« Désormais, les virus voyagent comme les hommes », a résumé Sylvie Briand, directrice de la préparation mondiale aux risques épidémiques à l’OMS, lors de la récente édition du congrès CHAM, organisé par le Pr Guy Vallancien.
Le ton était donné. En deux ans, la pandémie a révélé de manière criante la nécessité de concevoir la santé sur le plan mondial, avec surtout une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux. Santé environnementale, animale et humaine : les autorités ont désormais à cœur d’établir leurs stratégies à la lumière du concept « One Health ». « 75 % des épidémies sont liées à des zoonoses et il y a des milliards de virus chez les animaux », insiste Sylvie Briand, qui alerte sur l’augmentation inéluctable des pandémies « dans un monde de plus en plus connecté ».
L'anticipation est la première stratégie. C'est pourquoi l’OMS tente désormais de circonscrire les épidémies à la source, en les repérant le plus précocement possible. « Nous screenons toutes les informations sur internet au travers de mots-clés. Résultat : nous repérons 3 000 signalements chaque mois », raconte la responsable de l’OMS. Après vérifications, seul 1 % de ces signalements feront l’objet d’une enquête sur le terrain. Un procédé qui permet la plupart du temps d’endiguer très rapidement les terreaux infectieux, en se penchant notamment sur la santé animale. « Beaucoup de pathogènes ne provoquent pas de maladie chez l’animal, a-t-elle précisé. C’est le cas du H7N9 chez le poulet. À l’inverse, pour le H5N1, les volailles sont tombées malades, ce qui nous a permis d’anticiper », en Chine notamment.
Accepter l'incertitude
Pour autant, certains pathogènes passent entre les mailles du filet de l’OMS, particulièrement lorsqu’il s’agit de virus respiratoires. La surveillance devient alors plus ardue, car « au moment où nous détectons le pathogène, il a déjà changé de pays et on ne cesse de lui courir après, comme ce fut le cas pour le Covid », estime Sylvie Briand.
Alors que l'épidémie se répand sur la planète, le flambeau passe du côté des autorités sanitaires nationales voire régionales. « Notre boulot sur le terrain, c’est de ne pas laisser le citoyen seul et de lui restituer tout ce que l’on sait sur l’épidémie », a expliqué Aurélien Rousseau, qui fut directeur de l’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France au pic de la crise sanitaire. Selon lui, s’il fallait tirer une leçon de la pandémie, c’est « d’accepter de dire aux Français qu’il y a des choses que l’on ne sait pas ». ARS, ministères, Haute Autorité de santé, hôpitaux … « Il faudra que les autorités sanitaires comprennent qu’elles ne peuvent rien toutes seules », avance Aurélien Rousseau.
Pour coordonner les réponses dans l'Hexagone, un « comité d’animation du système d’agences » – qui réunit notamment l’ANSM, Santé Publique France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ou encore la HAS – a été créé en 2016, ainsi qu'un comité interministériel pour la santé. Ce dernier est censé réunir les ministères autour de stratégies de prévention, comme en 2016 pour l’antibiorésistance ou en 2020 autour de l’alimentation. « Mais pendant la crise du Covid, ce comité interministériel n’a pas été utilisé… Peut-être aurait-il dû l’être », avance le Pr Benoît Vallet, DG de l’ARS Hauts-de-France.
150 avis et recos en 18 mois
La crise n’a pas été seulement révélatrice de ratages ou d'atermoiements, bien au contraire. « Ces institutions que l’on disait trop lentes ont finalement travaillé extrêmement vite, en s’adaptant à l’évolution des connaissances », souligne le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, instance qui a produit 150 avis et recommandations entre mars 2020 et septembre 2021 ! Reste à savoir si ce rythme et cette variété de production pourra être pérennisé, notamment pour lutter contre la menace d'une antibiorésistance massive à l’échelle planétaire. Le Pr Le Guludec en est convaincue. « Nous avons par exemple mis au point des critères très stricts d’évaluation des antibiotiques, nous travaillons aussi sur la santé environnementale, en élaborant des conduites à tenir en cas de pollution atmosphérique » a-t-elle souligné. Un autre plaidoyer pour la santé globale.
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