Alors que les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie affinent leurs propositions, ce week-end du 18 et 19 février, avant d'entrer dans une ultime phase d'harmonisation de leurs travaux, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), entourée de douze autres organisations*, signe un « avis éthique » d'une trentaine de pages pour rappeler leur position. À savoir que donner la mort ou aider à mourir ne sont pas des soins et que leur réalisation ne peut être confiée aux soignants. « L'euthanasie et le suicide assisté ne peuvent pas être considérés comme des soins », écrivent ces 13 organisations, qui disent représenter 800 000 soignants. Et entendent plus que jamais peser dans le débat.
Sans attendre les conclusions de la convention citoyenne, elles répondent au Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui dans son avis 139 trace les contours d'une aide active à mourir qui serait éthique. Les soignants sont obligés de se positionner, estiment-elles. « Si la légalisation d’une forme de mort administrée est avant tout un sujet sociétal, ses incidences sont principalement soignantes. Aucun pays n’a légalisé une forme de mort administrée sans insérer dans le processus la participation d’un soignant, que ce soit pour réaliser l’acte lui-même (euthanasie), pour réaliser la prescription d’un produit létal (suicide assisté modèle Oregon) ou pour réaliser une évaluation et une validation de la demande (suicide assisté modèle suisse) », lit-on.
Une transgression de la notion de soin
Légaliser une mort médicalement assistée va à l'encontre de la notion de soin, argumentent les signataires de l'avis, citant notamment le serment d'Hippocrate, le Code de santé publique (« le médecin n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort »), l'Académie de médecine, la Haute Autorité de santé ou encore l'Organisation mondiale de la santé.
« L’ensemble des professionnels interrogés refusent catégoriquement la démarche euthanasique, et spécifiquement les actes de préparation, de mise en place et d’administration d’une substance létale », lit-on. Ils sont d'une autre nature que les protocoles actuels de sédation profonde et continue jusqu'au décès ou du double effet par leur intentionnalité. Ces derniers, bordés notamment par la loi Leonetti-Claeys de 2016, permettent aux soignants de « tout faire pour soulager la douleur en évitant l'obstination déraisonnable, sans rechercher à provoquer délibérément la mort ». Ils se limitent à ne pas empêcher sa survenue.
Les soignants sont plus divisés sur la question du suicide assisté (comme l'a aussi révélé une enquête lecteur du « Quotidien »), mais il y a consensus pour extraire ces procédés de la pratique soignante, les « séparer matériellement ». C'est notamment le cas face à des demandes de mort réitérées, conscientes et autonomes (une minorité, la majorité des appels à la mort s'estompant avec une prise en charge palliative de qualité, assurent les auteurs). Ce n'est pas au monde de la santé d'y répondre favorablement, au risque de briser les cadres normatifs et éthiques, indique l'avis.
Un mélange des priorités
Les auteurs de l'avis pointent aussi les risques de « dérives » ou « glissement » qui mettraient en danger les plus vulnérables : enfants, personnes dépendantes, personnes atteintes de troubles cognitifs ou psychiatriques, personnes en situation de précarité etc.
Enfin, ils estiment que légiférer sur l'aide active à mourir ne peut être une priorité, alors que le système sanitaire et médico-social est actuellement très fragilisé.
La fin des délibérations citoyennes, avant l'harmonisation
L'avis des sociétés savantes a été salué par l'éthicien Emmanuel Hirsch, qui regrette que la légalisation de l'euthanasie apparaisse comme le terme d'une « conquête politique et d'un parcours législatif », initié en 1999 (loi sur les soins palliatifs). Ceci au détriment d'un questionnement réel sur notre capacité collective à regarder la mort en face et à humaniser la fin de vie.
L'on connaîtra ce week-end les grandes orientations choisies par les 180 Français de la convention citoyenne. « On franchit vraiment une étape : la dernière de la phase de délibération », a souligné Claire Thoury, chargée d'organiser cette convention au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese). À l’issue de ce week-end, « il faut qu'on sache où on va », a-t-elle insisté. Si les citoyens doivent aussi évoquer les soins palliatifs, sur lesquels la Sfap a aussi rendu un avis en début de semaine, c'est bien leur avis sur l'aide active à mourir qui est attendu.
Selon l'AFP, il est pour l'heure impossible d'évaluer la situation au vu de leurs discussions, tant les positions s'y révèlent souvent nuancées, dépassant les clivages de principe pour s'interroger notamment sur la capacité des soignants à accepter concrètement une évolution de la loi.
*2SPP (Société française de soins palliatifs pédiatriques), Afsos (Association francophone des soins oncologiques de support), Anfipa (Association nationale française des infirmier.e.s en pratique avancée), Claromed (Association pour la clarification du rôle du médecin dans le contexte des fins de vie), CNPG (Conseil national professionnel de gériatrie), CNPI (Conseil national professionnel infirmier), Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile), Mcoor (Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du secteur médico-social), Sfap (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), SFC (Société française du cancer), SFGG (Société française de gériatrie et gérontologie), SNPI (Syndicat national des professionnels infirmiers groupe de soins palliatifs), Unicancer (Fédération des centres de lutte contre le cancer, groupe des soins palliatifs)
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce