L’audition publique organisée la semaine dernière par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les adjuvants vaccinaux a été aussi dense que consensuelle dans ses constats et conclusions.
Au total, près de 5 heures d’exposés d’experts de tous horizons se succédant au pas de charge, des échanges parfois virulents dans une salle pleine à craquer où pro et anti adjuvants vaccinaux aluminiques sont sans surprise demeurés arc-boutés sur leur position. En ouverture de cette audition, Marisol Touraine a convenu du caractère « original » de ce débat très « franco-français » sur les adjuvants vaccinaux. « Je n’ignore rien des doutes et des inquiétudes qui peuvent exister », mais « il y a des raisonnements non scientifiques qui contribuent à des inquiétudes et qui n’ont pas lieu d’être », a estimé la ministre des Affaires sociales et de la Santé qui a appelé à « être vigilants » pour que la politique vaccinale demeure « un grand objectif de santé publique ».
L’essentiel des discussions a évidemment porté sur la question des adjuvants aluminiques. Les rares experts internationaux invités à s’exprimer ont tiré la sonnette d’alarme. « La question n’est pas de savoir si l’aluminium est toxique, mais quand il est toxique, dans quelles circonstances cette toxicité peut s’exprimer et dans quelles circonstances un individu peut être plus susceptible à cette toxicité », a souligné le Pr Christopher Exley, spécialiste en biochimie inorganique au centre Birchall de l’Université de Keele (Royaume-Uni).
Cibler les prédispositions
« Aujourd’hui, nous ne disposons pas d’un corpus de recherche de qualité nécessaire pour donner des réponses définitives, sans équivoque sur la question des facteurs de toxicité de l’aluminium dans les vaccins », ajoute-t-il. Le Pr Yehuda Shoenfeld, chef du département de médecine de l’Université de Tel Aviv (Israël) a pour sa part défendu « son » syndrome auto-immunitaire/inflammatoire induit par les adjuvants (ASIA). « Nous devons désormais détecter les sujets prédisposés à ce type de réaction, les personnes ayant des paramètres sanguins mesurables ou ayant des facteurs de risques familiaux », considère-t-il. Même préconisation du Pr François-Jérome Authier, responsable du Centre de référence des maladies rares à l’hôpital Henri Mondor (Créteil) dont les travaux en cours sur la myofasciite à macrophages « convergent vers l’existence d’un authentique syndrome clinique associé à la persistance d’une lésion histologique au site d’injection du vaccin » contenant un adjuvant à base de sel d’aluminium.
Chef de service histologie-embryologie et directeur d’unité INSERM à Henri Mondor, le Pr Romain Gherardi a évoqué son étude en cours financée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dont les premiers résultats observés sur un modèle murin appuient « un lien de causalité entre cette pathologie et l’adjuvant aluminique dans les vaccins ».
Des preuves insuffisantes
À l’opposé, le Pr Jean-François Bach, secrétaire perpétuel à l’Académie des sciences a fait part de ses « réserves importantes » s’agissant de ces recherches en cours. « Les modèles expérimentaux sont utiles pour ouvrir des pistes, mais ils n’apportent pas des preuves. La base de l’appréciation des effets secondaires d’un vaccin doit d’abord se faire sur des données épidémiologiques contrôlées, martèle-t-il. Pour le moment, il n’y a pas de preuve suffisante, mais assez d’alertes pour travailler davantage en études multicentriques sur le plan clinique et fondamental autour des adjuvants dont on ne pourra pas se passer pendant au moins plusieurs décennies », a ajouté le Pr Pierre Bégué, membre de l’Académie de médecine.
Du côté des patients, Didier Lambert, président de l’association Entraide aux malades de myofasciite à macrophages a dénoncé une « certaine hypocrisie à dire que la balance bénéfice risque est favorable à un certain nombre de vaccins alors que les éléments de cette balance ne sont pas forcément cohérents ». Pour le Dr Bernard Izard, pro vaccin pendant ses 27 ans de carrière, malade depuis 2010 et toujours en errance thérapeutique, il faut aussi que le corps médical dans son ensemble change de regard sur ces patients en quête de réponses et de remède. « En tant que malades, nous nous sentons maltraités et abandonnés », témoigne-t-il.
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