Par Colette Chiland*
UN ARTICLE PUBLIÉ dans « le Quotidien du Médecin » du 11 février 2013 parle d’« une étude menée au Cecos de l’hôpital Cochin », mais il contient des inexactitudes. Nous avons le tort de n’avoir pas encore publié les résultats de notre travail, pourtant une première : le suivi le devenir d’enfants nés par Insémination Artificielle avec Donneur en ayant pour père légal un homme d’origine transsexuelle (né femme biologique) ou transman.
Un texte, « Pères d’un nouveau genre et leurs enfants », va paraître prochainement dans « La Psychiatrie de l’enfant », mais ne rend compte que des constats faits à la fin de 2010. Actuellement, nous avons suivi 41 enfants avec leurs parents, vus à la fin de leur première année, puis tous les deux ans. Nous remercions les parents pour leur collaboration ; ils ont compris qu’ils aidaient ainsi tous les couples qui sont dans la même situation qu’eux. En effet, nous ne sommes plus le seul Cecos acceptant d’inséminer la compagne d’un transman, parce que nous avons fait connaître aux autres Cecos nos résultats favorables, contribuant à dissiper en partie les réticences : les enfants de transsexuels, disait-on, ne pourraient pas se développer normalement, en particulier ne pourraient pas construire leur identité de garçon ou de fille.
Nous avons vu des enfants normaux, choyés et heureux de vivre, des garçons et des filles sans troubles de l’identité sexuée, et rien ne nous fait regretter l’ouverture de ce programme qui se poursuit et ne s’arrête pas à 12 ans.
Il faut tenir compte de ce que ces enfants ont, à leurs yeux et aux yeux des autres, un père et une mère. Ce père est certes né femme biologique, mais s’est construit homme psychologique, se conduit comme un mari et un père selon les critères de notre culture, et est reconnu légalement comme père. Évidemment, on peut être interrogé par l’existence d’un « homme sans phallus » (le pénis quand on en fait le symbole de la complétude narcissique). Mais il existe des personnes avec chromosomes XY qui n’ont pas de pénis, ou ont un micropénis, et se vivent néanmoins comme des hommes. La phalloplastie n’est pas un pénis fonctionnel et elle n’est pas demandée parce qu’on envisage d’avoir des enfants. Si certains hésitent à accorder une transformation homono-chirurgicale du sexe à des parents d’enfants mineurs, le changement d’état civil ne requiert qu’un changement dans l’apparence rapprochant de l’autre sexe sans plus de précision, et le divorce si la personne est mariée (en attendant que les couples de même sexe puissent se marier).
Confusion.
Nous voulons dénoncer l’assimilation du transsexualisme à l’homosexualité, qui ne requiert aucun soin médical pour se réaliser. Le terme traditionnel d’identité sexuelle en est en partie responsable ; dans le langage d’aujourd’hui, il concerne l’orientation sexuelle quand on en fait une identité. La querelle autour des Manuels de Sciences de la Vie et de la Terre a reposé sur la confusion entre le sexué et le sexuel, en invoquant « la théorie du genre » à la Butler pour inviter à ne plus persécuter les homosexuels. L’adjectif « sexuel » doit être réservé aux relations sexuelles et l’adjectif « sexué » à l’identité, aux caractéristiques soit biologiques, soit conventionnelles, arbitraires, de chaque culture (ce qu’on appelle depuis 1955 genre au sens identitaire et non plus grammatical).
Ce terme de genre a fait fortune, une inflation telle qu’il s’est vidé de tout sens spécifique. Aujourd’hui, au Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg (1) parle de « genre inné », ce qui est un oxymore, le genre ayant été inventé pour nommer ce qui était acquis, produit par la culture et l’éducation ; on va si loin qu’on envisage de supprimer toute mention de sexe à l’état civil. On proclame dans des groupes militants que le choix du sexe/genre (les deux ne font plus qu’un) est un droit humain, qu’on ne doit pas dire à un enfant qu’il est un garçon ou une fille, que c’est à lui de décider qui il est. La société doit réfléchir, sérieusement et non dans des perspectives électorales, au contenu des mots « homme » ou « femme » ; car on peut changer la dénomination et l’apparence, mais aucune loi, aucune procédure médicale ne peuvent changer la réalité biologique.
On en est arrivé à la fois au déni de la réalité biologique quand il s’agit de l’identité et à la proclamation de son rôle souverain quand il s’agit de la filiation (avoir à tout prix un enfant biologique, changer de sexe et conserver ses gamètes, connaître son géniteur comme « condition pour se construire »). Thomas Beatie (voir sur Internet « l’homme enceint ») est à la fois la génitrice et le père légal de ses enfants. Les militants se réjouissent, mais notre culture est en passe de devenir championne dans l’art de rendre l’autre fou.
* Professeur honoraire de l’université Paris Descartes
(1) Hammarberg Thomas, Commissaire européen aux droits de l’Homme (2009), Droit de l’Homme et identité de genre, octobre 2009,
https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CommDH/IssuePaper(2009)2
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