Ebola : une prise en charge en soins intensifs périlleuse... mais possible

Publié le 23/12/2014

« Ils sont vraiment allés très loin dans les soins apportés au patient ! » Le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Bichat, ne cache pas son admiration après la publication dans le « Lancet » de la description de la prise en charge qui a permis de sauver un médecin ougandais admis à l’hôpital universitaire de Francfort le 2 octobre, cinq jours après les premiers symptômes dus à une infection par le virus Ebola.

Trois jours après son admission, ce patient infecté à Lakka (Sierra Leone) a développé des fuites vasculaires ainsi que des signes de défaillances d’organes multiples incluant les reins, les poumons et le tractus gastro-intestinal. Les médecins du service ont donc placé le patient sous ventilation, sous dialyse et sous antibiothérapie. Une telle prise en charge complète n’avait encore jamais été tentée sur un patient Ebola.

Ménager soin du patient et sécurité des soignants

« Une telle situation n’est envisageable que dans les services de réanimation des pays du nord », précise le Pr Yazdanpanah, pour qui cette publication apporte des éléments à une discussion qui, au niveau international, agite les services de réanimation habilités à accueillir des patients infectés par le virus Ebola : jusqu’où peut-on aller pour sauver un malade en soin intensif ?

Le Pr Yazdanpanah rappelle les termes du débat : « La première préoccupation est de protéger les soignants. Or, un patient Ebola en soin intensif excrète beaucoup et est très contagieux. Une prise en charge invasive comme une dialyse ou une intubation, augmente encore plus le risque de contamination. Pour autant, c’est justement à ce moment-là que le malade passe un cap difficile et qu’il faut tout faire pour le maintenir en vie quelques jours, le temps de produire ses anticorps et de guérir. » L’article du « Lancet » montre donc qu’il est possible de procéder à des gestes invasifs même dans les conditions de sécurité imposées par l’infection.

Le FX06, un traitement symptomatique expérimental

En plus des soins intensifs classiques, le Pr Timo Wolf et ses collègues du département d’anesthésie et de soin intensif de l’hôpital universitaire de Francfort ont administré au patient un médicament expérimental pendant trois jours : le FX06.

Il s’agit d’un peptide dérivé de la fibrine, originellement développé par la firme autrichienne F4Pharma pour réduire les lésions induites par une revascularisation après une thrombose, ou celles causées par un infarctus du myocarde. Par la suite, des études menées chez la souris avaient également montré un effet sur les fuites vasculaires causées par une infection par le virus de la dengue.

Calmer l’orage cytokinique

« On ne sait pas très bien pourquoi il y a des fuites vasculaires chez les patients Ebola. C’est plus documenté chez les patients qui ont la dengue car il y a plus de cas, précise le Pr Yazdan Yazdanpanah. On pense qu’elles sont provoquées par un orage cytokinique. L’infection par le virus Ebola entraîne une très importante réaction inflammatoire qui attaque les parois des vaisseaux et provoque l’épanchement pleural, l’épanchement péricardique et les symptômes digestifs observés chez le patient de Francfort. »

Employé chez un seul malade, le FX06 pourrait donc être un traitement symptomatique de la phase aiguë, dont l’efficacité doit encore être évaluée sur un plus grand nombre de patients.

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr