LE QUOTIDIEN - Xavier Bertrand accuse François Hollande de louvoyer sur le sujet de la liberté d’installation. Que répondez-vous ?
CLAUDE PIGEMENT - Xavier Bertrand dit que le projet de François Hollande est contradictoire et conservateur (Quotidien du 13 février) ? Je dirais plutôt qu’il cohérent et progressiste ! Prenons le sujet des déserts médicaux : tout le monde fait le constat des inégalités territoriales d’accès aux soins. François Hollande a trouvé le juste équilibre. Sa position est celle des incitations dans les zones sous-denses car la coercition ne marche pas, jamais on obligera un jeune généraliste à s’installer là où il ne veut pas. On connaît les stratégies de contournement : les remplacements au long cours et le salariat dans la santé publique. Toute mesure autoritaire amènera à une rupture de dialogue avec les internes et les jeunes médecins. Mais cette politique d’incitation doit s’accompagner d’une politique territoriale forte privilégiant les services publics.
Tout de même, François Hollande a évoqué une limitation des installations en secteur II dans les zones surdotées...
C’est vrai que les zones surdenses posent problème. Ce ne serait pas rendre service aux médecins de les pousser à s’installer dans ces secteurs surmédicalisés. Notre proposition est donc de limiter, par la négociation, les nouvelles installations en secteur II dans les zones surdenses définies comme telles. C’est une manière de dissuader les médecins d’aller dans ces territoires ; s’il veulent le faire quand même, ce sera en secteur I. De cette façon, on renforce les tarifs opposables sans mettre à mal la liberté d’installation.
Sur la régulation des dépassements, Xavier Bertrand ne va-t-il pas couper l’herbe sous le pied de François Hollande en publiant rapidement le décret sur le secteur optionnel ?
Ce décret est un passage en force et un mauvais coup porté à la démocratie sociale. Les mutuelles, qui sont archi-majoritaires parmi les complémentaires, sont contre le secteur optionnel. Qui plus est, Xavier Bertrand s’exprime de façon méprisante à l’égard de la Mutualité française, qui est un acteur très important. Sur le fond, ce secteur optionnel est une fausse bonne idée. Tel qu’il est proposé, les « petits dépasseurs » risquent de se mettre au plafond de 50 % [de dépassement par acte] tandis que les « gros dépasseurs » ne seront pas intéressés par ce secteur optionnel et resteront en secteur II. On ne régulera rien ! Les syndicats médicaux, enfin, sont assez réticents. C’est un échec total.
La démarche de François Hollande est autre : il veut une vraie négociation tripartite, avec trois partenaires égaux - médecins, assurance-maladie et complémentaires - pour encadrer les dépassements. Nulle part il n’est inscrit qu’on supprime le secteur II. François Hollande voudra réussir là où Sarkozy et Bertrand ont échoué.
Pensez-vous que le vote médical sera éparpillé ?
Ce qui me frappe, c’est que l’écart historique droite/gauche du vote « médecins » s’est beaucoup réduit. Auparavant, c’était en gros deux tiers, voire 80 %, pour la droite, en particulier au premier tour de la présidentielle. Les sondages montrent que l’écart est devenu minime, notamment chez les généralistes et les praticiens hospitaliers. Le corps médical est représentatif de la population générale. Ils votent par rapport au chômage, au pouvoir d’achat, à l’Éducation et aux autres grands sujets de société.
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