LES DEUX TESTS diagnostic rapide de résistance aux antibiotiques de spectre large, mis au point par l’unité INSERM 914 « Résistances émergentes aux antibiotiques » (Hôpital de Bicêtre, Val-de-Marne), arrivent à point nommé dans un contexte où la multirésistance progresse lentement mais partout et de manière irréversible, au-delà du seul milieu hospitalier. « C’est aussi une affaire de ville », confirme le Pr Patrice Nordmann qui dirige l’unité de recherche.
La résistance aux antibiotiques, une des trois priorités de l’OMS pour 2015-2025 avec la lutte contre la tuberculose et le paludisme, serait responsable de 25 000 morts par an en Europe. Alors que certains antibiotiques comme les céphalosporines à large spectre et les carbapénèmes étaient réservés aux situations les plus graves, ils peuvent être désormais totalement inactifs à l’encontre de certaines souches bactériennes, même lors d’infections banales comme des infections urinaires ou intra-abdominales. L’enjeu est d’autant plus important lorsqu’on sait qu’une femme sur six fait une infection urinaire chaque année (de l’ordre de 800 000 infections urinaires en France en 2011) et que 6 à 8 % sont dues à des souches multirésistantes.
Moins de 5 euros.
Les tests diagnostics présentés par les chercheurs (Patrice Nordmann, Laurent Poirel et Laurent Dortet) ont plusieurs avantages : ils reposent sur une technologie simple et visuelle, permettent un résultat rapide (moins de deux heures), sont sensibles à 90-100 %, spécifiques à 100 %, peu onéreux (moins de 4-5 euros), faciles à mettre en œuvre et de diffusion internationale. Le Carba NP test et l’ESBL NDP test sont, tous deux, fondés sur les propriétés d’acidification générées par l’activité des enzymes (ß-lactamases et les carbapénèmases) en présence de l’antibiotique. Si l’une des enzymes est présente, le milieu s’acidifie et l’indicateur d’acidité vire de la couleur rouge à jaune. Ces tests sont totalement inoffensifs car ils sont réalisés sur les bactéries isolées des patients ou sur les produits biologiques que sont les urines ou les selles. En tant que centre de référence national, l’équipe du Pr Nordman (chef du service de bactériologie-virologie-parasitologie de l’hôpital de Bicêtre) utilise déjà ces tests depuis plusieurs mois et une évaluation est en cours pour apprécier leur sensibilité directement à partir de sites infectés comme le sang ou les urines.
« On peut espérer, notamment dans de nombreux pays occidentaux qui ne sont pas encore en situation d’endémie pour ces multirésistances (comme en France), réussir à préserver dans une certaine mesure l’efficacité des céphalosporines de spectre large et des carbapénèmes, antibiotiques dits de dernier recours », indique le Pr Nordman. Le constat est plus inquiétant en Italie ou en Grèce. Ainsi à Athènes, deux-tiers des septicémies (66 %) en soins intensifs sont multirésistantes aux carbapénèmes, indique Laurent Poirel.
La mise au point de ces deux tests, appliqués au lit du malade, va donc permettre d’adapter au mieux les antibiothérapies chez les patients les plus graves et d’éviter l’usage inapproprié de certains antibiotiques et donc de réduire leur consommation et l’apparition de nouvelles résistances. Les patients porteurs sains vont également pouvoir être dépistés plus rapidement (une circulaire de décembre 2010 prévoit une surveillance spécifique des cas importés d’entérobactéries productrices de carbapénèmases).
Les tests ont fait l’objet de deux dépôts de brevet internationaux auprès d’INSERM Transfert et leur commercialisation est attendue dans les 12 à 16 mois. Toutefois les techniques sont disponibles pour les laboratoires spécialisés qui souhaiteraient les développer, font savoir les chercheurs qui viennent de publier leurs travaux dans deux revues internationales*.
*Emerging Infectious diseases http://dx.doi.org/10.3201/eid1809.120355 (Septembre 2012) et Journal of Clinical Microbiology http://dx.doi.org/10.1128/JCM.00859-12 (Septembre 2012).
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