A Marseille, un centre pour les victimes de torture

Déshumanisation, baisse de l’estime de soi

Publié le 09/05/2014
Article réservé aux abonnés

Seule association en PACA à prendre en charge les victimes de torture, le centre de soins Osiris tente aujourd’hui d’élargir son partenariat avec des structures du champ médical, social et juridique. C’était le but de la rencontre organisée à la mi-avril à l’Hôpital Saint Joseph à Marseille, avec l’ARS PACA.

Car la demande va croissant, et les chiffres estimés au niveau national de 170 000 personnes réfugiées en France dont 50 000 victimes de tortures semblent très en dessous de la réalité. La file active dans le centre marseillais compte en moyenne 150 patients par an pour 1 300 consultations, 45 % de femmes pour 55 % d’hommes. Mais aujourd’hui le délai d’attente d’une prise en charge peut attendre 6 à 8 mois. « Nous recevons plus de 20 nationalités, confirme Reem Mansour, présidente d’Osiris. Des personnes que nous prenons en charge avec une équipe d’interprètes formés. »

Osiris s’adresse à des migrants ayant connu des guerres, des tortures, des conflits ethniques, des génocides, des massacres, des déplacements de population et des exils forcés. Des personnes qui arrivent d’Albanie, de Tchétchénie, mais aussi des roms de Serbie ou des kurdes de Turquie ou d’Afghanistan, des Algériens et des Africains du Congo, du Rwanda ou de l’Angola. Le champ d’intervention thérapeutique d’Osiris recouvre surtout celui des traumatismes intentionnels et souvent délibérément induits par l’être humain.

Dans l’ordre de l’impensable

Une trentaine de partenaires adressent ainsi à Osiris des personnes, hommes, femmes, enfants, avec des plaintes singulières. Beaucoup de demandeurs d’asile en attente de statut de réfugié politique mais pas seulement. Au-delà du traumatisme subi, le déracinement ajoute bien d’autres souffrances. « Dans ces traumatismes, c’est la dimension d`humanité qui est atteinte avec la violence de l’autre, explique Bertrand Guéry, psychothérapeute et directeur d’Osiris. On est dans l’ordre de l’impensable, de l’irreprésentable. » Ces personnes souffrent de céphalées de difficultés d’endormissement, troubles de la pensée. « Quand les symptômes envahissent la vie psychique, explique l’un des psychiatres, Dr Auguste Olive. Il y a aussi à traiter la déshumanisation de l’être, la baisse de l’estime de soi, la notion parfois aussi de culpabilité. » Osiris leur propose après un entretien d’accueil, une prise en charge psychothérapeutique individuelle ou familiale de type analytique, et des accompagnements complémentaires avec kiné, ou thérapeute formé à l’hypnose. « Ce sont des accompagnements de longue durée souvent, prévient Bertrand Guéry, réalisés par des professionnels et avec une équipe d’interprètes formés. »

Ce travail est mené en collaboration avec un pôle d’interprètes spécialisés dans le soin et à qui des formations ont été délivrées sur le secret professionnel, le traumatisme, etc. Ce groupe de réflexion entre interprètes et thérapeutes cherche à améliorer sans cesse la prise en charge de ces personnes en souffrance.

Le centre de soin Osiris déménage. Il quitte les locaux mis à disposition par Médecins du Monde pour le 10 boulevard Cassini, 13004 Marseille. www.centre.osiris.org. Tel : 04.91.91.89.73

De notre correspondante Hélène Foxonet à Marseille

Source : Le Quotidien du Médecin: 9325