AUJOURD’HUI, 15 millions de personnes, soit 1 Français sur 5, sont atteintes de maladies chroniques. Et, avec le vieillissement de la population ou l’allongement de la durée du temps de travail, ce chiffre ne cesse d’augmenter. Or, une personne atteinte par une maladie chronique a quatre fois plus de risques de se retrouver en situation d’exclusion dans le monde du travail. Face à ce constat, la Chaire Santé de Science Po et le CAPPS ont organisé en 2010 un séminaire qui a permis de faire émerger plusieurs pistes de réflexion et a donné lieu à un rapport, coordonné par les Drs Olivier Obrecht et Marie-Claude Hittinger-Le Gros. Ce rapport émet cinq recommandations : donner la priorité à l’insertion professionnelle, assurer un accompagnement personnalisé des personnes fragilisées, dépasser l’organisation actuelle des services de santé au travail, rendre communicants les différents systèmes de prise en compte de la maladie et, enfin, continuer à banaliser la notion de handicap dans la vie de tous les jours. Des propositions qui ont été discutées lors du colloque, où se sont retrouvés plusieurs acteurs – employeurs, syndicats, associations de patients… – autour de deux tables rondes : « Anticiper l’accompagnement durable du travailleur malade, une utopie ? » et « Faire évoluer le cadre administratif et réglementaire : vers un guichet unique pour les travailleurs malades ? »
Accompagner.
Anticiper le maintien ou le retour à l’emploi d’une personne atteinte de maladie chronique est indispensable. Comme l’a souligné Christelle Garcia, psychologue du travail et chargée de mission à Yvelines Santé Travail, « une personne en arrêt maladie depuis plus de six mois a une chance sur deux de ne pas retourner à l’emploi ». Il est donc nécessaire d’agir au plus vite. Mais, outre le fait que le salarié n’est pas tenu de rendre compte de son état de santé à son employeur, le cloisonnement entre les missions des différents intervenants – médecins du travail et médecins traitants notamment – ne facilite pas une prise en charge rapide. Pour faire face à cet écueil, des initiatives peuvent être adoptées, a expliqué Jean-Michel Hameau, médecin du travail à l’Association médicale interentreprise du Morbihan et qui anime depuis 2004 une Équipe technique maintien, dont l’objectif est justement de coordonner les accompagnements des personnes susceptibles de perdre leur emploi pour inaptitude médicale. Changer de regard, anticiper, décloisonner… Autant d’actions nécessaires pour apporter des réponses à cette problématique plus que jamais d’actualité, alors que les questions de la pénibilité et des conditions de travail sont au cœur des débats.
Un guichet unique ?
Les auteurs du rapport relèvent que le système français est complexe en raison de l’implication de deux dispositifs : l’Assurance-maladie et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les personnes concernées ne savent pas toujours vers qui se tourner. « La notion même de travailleur malade n’est pas évidente », a estimé Michel Yahiel, vice-président de l’Association nationale des DRH. « En France, il est très important de veiller à ne pas nier les écarts de situation entre les secteurs de travail. Si une réforme juridique est décidée, il faut aussi que l’on ait la capacité d’adapter les réponses à des situations et des contextes qui sont très différents », a-t-il ajouté. Pour illustrer ces différences entre secteurs d’activités, Yves Cosset, médecin conseiller technique à la Mutualité sociale agricole, est ainsi revenu sur le cas particulier du secteur agricole, qui dispose déjà d’un guichet unique. Alors, si simplifier le système français semble aujourd’hui peu envisageable, favoriser le dialogue social et accompagner les salariés atteints de maladies chroniques n’en demeure pas moins primordial, afin que travail ne rime pas, ou le moins possible, avec mal-être ou exclusion.
* « Maladies chroniques et travail : au-delà des idées reçues », sous la direction d’Olivier Obrecht et Marie-Claude Hittinger-Le Gros, Éditions de Santé et Presses de Sciences Po, collection « Séminaires », 2010 (editionsdesante.fr ou pressesdesciencespo.fr).
** Avec le soutien institutionnel du Laboratoire Abbott.
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