ÇA N’EST PAS de gaîté de cœur que le Dr Anne-Marie Gouvet, médecin anesthésiste à la polyclinique de Navarre à Pau, a fait savoir, dans un courrier adressé au président Nicolas Sarkozy, qu’elle refusait la Légion d’honneur. Elle ne s’est tout simplement pas vue accepter une telle distinction, « basée sur mes missions humanitaires », dans le contexte de la « politique globale d’exclusion » menée par le gouvernement, dénonce-t-elle au Quotidien. Après les incidents impliquant des gens du voyage (citoyens français) à Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher, à la mi-juillet, le gouvernement a indiqué qu’il voulait entreprendre le démantèlement de 300 camps ou squats illégaux et le renvoi de 850 Roms dans leur pays d’ici la fin du mois d’août. « Ma décision n’est pas toujours bien comprise d’autant que certains pensent que j’avais sollicité moi-même cette distinction », reprend l’anesthésiste. C’est son fils qui, fier des convictions maternelles - Anne-Marie Gouvet participe régulièrement, depuis 30 ans, à des missions humanitaires auprès de Médecins du monde notamment -, avait demandé qu’elle soit élevée au rang de Chevalier de la légion d’honneur. « J’étais étonnée mais j’ai trouvé sa démarche touchante », indique-t-elle. Après les expulsions d’Afghans, les menaces sur les camps de Roms « ont fait déborder la coupe ». « Les images que j’ai vues cet été à la télé me rappelaient ce que j’ai vu dans les camps de réfugiés du Kosovo ou de Kaboul. Dans 6 mois, je retourne en Mongolie : je ne me voyais pas repartir avec cette distinction », même si elle sait que la refuser est exceptionnel. Qu’importe, « ma vie, c’est ça, les missions humanitaires, je ne prends pas de vacances ». Loin d’être déçu, son fils a appuyé sa décision.
Un autre médecin, l’urologue Bernard Debré, s’est dit « choqué ». « Il y a une réglementation (...) la loi doit être appliquée. Mais il y a la forme et elle est détestable. Quand on voit les forces de l’ordre (...) qui viennent détruire les caravanes, et les enfants que l’on sépare quelquefois de leurs parents, c’est inacceptable », s’est indigné le député UMP de Paris. La France, critiquée par l’ONU, la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et le Vatican, reste toutefois déterminée à accélérer les reconduites. Le Premier ministre François Fillon a indiqué qu’il avait sollicité auprès de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, une réunion de travail dans les prochains jours entre les ministres et les commissaires européens concernés. « La France considère que la seule solution de long terme pour ces citoyens européens à part entière réside dans une meilleure intégration économique et sociale, d’abord dans leur pays d’origine », a-t-il soutenu.
Les expulsions de Roms sont « inefficaces » et « néfastes pour la santé », estime de son côté l’association Médecins du monde (MDM) qui rappelle que les Roms sont des citoyens européens venant à 90 % de Roumanie et de Bulgarie. Depuis le début de l’année, 8 313 Roumains et Bulgares ont été raccompagnés, en grande majorité « de manière volontaire » contre 9 875 pour 2009, indique le ministre de l’Immigration Éric Besson. Selon le Dr Jean-François Corty, coordinateur des Missions France de MDM, la France compte environ 15 000 Roms, regroupés principalement autour des centres urbains (Marseille, Paris, Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Toulouse, Nantes,...). « Les expulsions sont régulières depuis 2000 mais elles sont en augmentation depuis 3-4 ans », note le Dr Corty qui déplore une précarité grandissante et évoque des indicateurs de santé « particulièrement inquiétants », comparables à ceux des pays en voie de développement avec une espérance de vie entre 50 et 60 ans. « Les mesures d’intimidation qui se sont multipliées cet été provoquent l’accélération de la fragmentation des camps. Il devient de plus en plus difficile de retrouver les gens », ce qui complique d’autant plus le suivi médical et materno-infantile. Selon lui, 9 enfants sur 10 n’auraient pas de couverture vaccinale correcte. La mortalité néonatale (0-1 mois) est 9 fois plus importante, la mortalité infantile (0-12 mois) l’est 5 fois plus. « Nous n’avons que très peu de données sanitaires sur les Roms : nous ne disposons que de nos chiffres », ajoute le responsable de MDM. Malgré la mobilisation des associations et de certaines mairies, le Dr Corty s’alarme de ce climat de peur qui rompt le réseau de solidarité. Pour s’adapter, MDM compte renforcer les équipes mobiles de consultation autour des centres urbains.
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