C’EST UN DOMAINE de la médecine qui reste encore largement mystérieux pour le public, mais aussi pour nombre de praticiens. « L’effet placebo et nocebo n’est quasiment pas enseigné dans la formation initiale des médecins. C’est dommage car on sait qu’environ un tiers de la thérapeutique repose sur l’effet placebo. Dans la douleur, cela peut même monter jusqu’à 86 % », explique le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et spécialiste de ce sujet auquel il a consacré deux livres, publiés chez Odile Jacob : le mystère du placebo (1996) et le mystère du nocebo (février 2011).
Selon lui, les mécanismes d’action du placebo sont aujourd’hui à peu près élucidés. « On sait que, d’un point de vue fondamental, ce phénomène passerait par l’activation des circuits de production de « médicaments » endogènes. Par exemple, dans la maladie de Parkinson, il apparaît que l’effet repose sur la libération de dopamine ; dans la douleur, sur la libération d’endorphines ou d’autres substances antalgiques. Dans la dépression, le taux de sérotonine est augmenté par le placebo de l’antidépresseur », explique le Dr Lemoine. « On a aussi montré que cet effet placebo pouvait entraîner, sur une période prolongée, une modification de la pression artérielle, du taux de cholestérol et du nombre de leucocytes », ajoute-il.
Le degré de conviction du médecin.
D’un point de vue plus général, « l’effet placebo peut être considéré comme la résultante de la capacité du médecin à optimiser les effets de l’attente de la guérison induits par la relation thérapeutique. De nombreux paramètres peuvent modifier l’effet placebo d’une consultation : la maladie et son degré d’évolution, le patient et son degré d’acceptation ou de soumission, le durée de la consultation, le montant des honoraires du praticien, sa notoriété… Mais ce qui compte, c’est avant tout le degré de conviction du médecin. Plus ce dernier est convaincu, plus le patient le sera aussi et plus l’effet placebo sera élevé », indique le Dr Lemoine, en soulignant que cet effet reste imprédictible d’un patient à l’autre.
Le concept de nocebo est beaucoup plus récent. Le mot a été inventé dans les années 1990 pour désigner l’inverse du placebo et décrire ce qui se passe quand la thérapeutique « non seulement n’apporte pas de mieux-être, mais nuit, soit à travers ses effets secondaires, soit du fait d’une efficacité réduite, soit encore à cause d’une aggravation de la maladie. Mais si l’on dépasse le cadre restreint de la médecine et que l’on décortique point par point les effets véhiculées par les grandes institutions – pouvoir politique, école, science, justice, prison, religion –, on finira par s’apercevoir qu’avec les meilleures intentions du monde, les médias chargés de les relayer peuvent aussi rendre malades des populations entières rien qu’en les informant de manière irresponsable », écrit le Dr Lemoine, en s’interrogeant dans son ouvrage sur le « nocebo médiatique » lié à la diffusion en boucle « d’informations catastrophes » dans les journaux, à la télévision ou sur Internet.
Nocebo médiatique.
Ainsi, « en médecine, au niveau individuel, l’effet nocebo représente l’écart négatif entre l’effet prévisible d’un traitement et l’effet réellement observé », constate le Dr Lemoine. « À un niveau collectif, dans notre société dite développée, l’effet nocebo, au sens étendu où je l’entends ici, est véhiculé par la pression permanente que la société et ses différents médias exercent sur chacun de nous en croyant souvent bien faire. Cette pression culturelle qui nous rend malades, en nous privant de tout sentiment de contrôle », ajoute-il.
D’après un entretien avec le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et directeur international d’un groupe de cliniques (Clinea, groupe Orpéa).
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