LE RÔLE DES VIRUS dans la carcinogénèse se confirme avec l’implication du polyomavirus en tant que principal cofacteur carcinogène responsable du carcinome de Merkel. Ce virus, découvert en 2008, présent dans la grande majorité de la population, peut, en association à d’autres carcinogènes, les UV principalement, provoquer le développement du carcinome, d’une façon similaire à l’impact du papillomavirus sur le cancer du col. L’ADN viral du polyomavirus a été retrouvé au sein du génome des cellules tumorales. Le niveau d’anticorps antipolyomavirus est significativement plus élevé dans le sang des patients atteints de carcinome de Merkel que chez des sujets témoins, ce qui suggère la possibilité d’une reprise de la réplication du virus préalable au développement de la maladie. Ces anticorps pourraient se révéler intéressants pour surveiller la progression tumorale chez les patients positifs pour le polyomavirus. Une meilleure compréhension du rôle des infections virales dans le développement des cancers cutanés en dehors du mélanome pourrait amener à de nouvelles stratégies de prévention.
Nanoparticules et vieillissement cutané.
Les nanoparticules présentes dans l’air ambiant sont vraisemblablement impliquées dans l’augmentation de fréquence des cancers, des maladies cardio-vasculaires, du diabète et de la maladie d’Alzheimer. Leur rôle dans le vieillissement cutané extrinsèque est désormais établi, à côté des UV et du tabac. L’étude SALIA, un travail allemand mené par Jean Krutmann, a montré une corrélation entre le taux de nanoparticules dans l’air, témoin de la pollution atmosphérique, et le vieillissement cutané (anomalies pigmentaires et rides essentiellement), évalué par le score SCINEXA. Sur le plan physiopathologique, les nanoparticules activent le récepteur des arylhydrocarbures (AhR), présent sur les mélanocytes et les kératinocytes, et aussi impliqué dans le vieillissement photo-induit. Sa stimulation entraîne l’activation des métalloprotéases et d’ICAM-1, provoquant une réaction inflammatoire. Les nanoparticules sont principalement présentes dans l’air ambiant et liées à la pollution, mais on en retrouve aussi dans certains produits d’entretien voire même dans certaines crèmes solaires ne laissant pas de traces blanches après application. La voie du récepteur AhR pourrait faire envisager des thérapeutiques ciblées pour limiter le vieillissement cutané par des antagonistes d’AhR.
Des cellules souches issues de cellules cutanées adultes.
La reprogrammation de cellules cutanées en cellules souches pluripotentes dites induites (iPS), effectuée par le Pr Shinya Yamanaka (Japon) constitue une avancée considérable. « On dispose ainsi d’un réservoir facilement accessible de cellules souches, à partir desquelles il est possible d’obtenir tout type de cellule, y compris des neurones » se félicite le Pr Laurent Misery.
Des recherches menées à l’institut des cellules souches d’Harvard ont permis, par exemple, de cultiver des cellules souches iPS à partir de cellules de peau prélevées chez des malades atteints de sclérose latérale amyotrophique et à les transformer en neurones ayant les mêmes caractéristiques de la maladie ; d’autres scientifiques ont pu faire de même avec des cellules cutanées de patients atteints de diabète de type I, de trisomie 21, de chorée d’Huntington, de maladie de Parkinson, etc., permettant de mieux comprendre les mécanismes pathologiques et d’envisager de nouvelles cibles thérapeutiques. En dermatologie, on espère, à partir de kératinocytes ou de fibroblastes d’un patient porteur d’une anomalie génique, les reprogrammer en cellules iPS, avec comme débouchés possibles la thérapie cellulaire, la modélisation de maladie ou le screening in vitro des médicaments.
Le prurit non lié à l’histamine.
Les anthistaminiques ne sont pas constamment efficaces dans les prurits et « on sait désormais qu’à côté des récepteurs de l’histamine d’autres récepteurs jouent un rôle très important dans le prurit, comme les récepteurs PAR-2 (Proteinase-Activated Receptor), activés par des enzymes sérine protéases comme la trypsine, la tryptase, la papaïne, etc. Ces récepteurs sont impliqués dans les prurits ne dépendant pas de l’histamine comme les prurits neuropathiques, la dermatite atopique ou le psoriasis » explique le Pr Misery. Dans ces deux dernières pathologies, l’interleukine 31 semble aussi incriminée dans la survenue du prurit, mais le lien avec les récepteurs PAR-2 est encore mal précisé.
« La peau neuronale ». *
L’activation des terminaisons nerveuses cutanées provoque une libération de neuromédiateurs, induisant une inflammation cutanée locale, dite « inflammation neurogène ». En modulant les cellules immunitaires, ces médiateurs amplifient l’inflammation induite par la réaction immunitaire. « Leur rôle est essentiel dans certaines pathologies comme le psoriasis, par exemple, souligne le Pr Misery, où en l’absence d’inflammation neurogène, les plaques de psoriasis ne sont pas ou peu visibles. »
Les interactions entre peau et système nerveux sont aussi essentielles dans le phénomène des « peaux sensibles », caractérisées par des sensations anormales et désagréables en réponse à des facteurs variés, aussi bien physiques que chimiques (chaud, froid, mouvement, air sec, eau, cosmétiques, etc.) Les personnes ayant une peau sensible auraient une hyperréactivité des récepteurs TRP présents au niveau des terminaisons nerveuses et des kératinocytes.
D’après un entretien avec le Pr Laurent Misery, laboratoire de neurobiologie cutanée, service de dermatologie, Brest.
* Titre de l’ouvrage de Laurent Misery, collection Ellipses, 2000.
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