Dans la lutte contre le Covid-19, la recherche de la meilleure stratégie face à la pandémie divise même les spécialistes. Alors que 80 chercheurs estimaient, mi-octobre dans « The Lancet », que l’approche de l’immunité collective était une « erreur dangereuse non étayée par les preuves scientifiques », trois épidémiologistes* ont signé la déclaration de Great Barrington, soutenu par le think tank « American Institute for Economic Research », qui prône à l’inverse une approche alternative de « protection focalisée » sur les plus vulnérables. Ces deux positions étaient au cœur d'un débat, début novembre, organisé par « JAMA Network » et disponible sur Youtube.
Selon les auteurs de la déclaration de Great Barrington, les politiques actuelles de confinement « produisent des effets désastreux sur la santé publique à court, moyen et long terme », et notamment « une baisse des taux de vaccination chez les enfants, une aggravation des cas de maladies cardio-vasculaires, une baisse des examens pour de possibles cancers ou encore une détérioration de la santé mentale en général ». Ces mesures causent des « dégâts irréparables » qui touchent en premier lieu les couches sociales les moins favorisées.
Reprendre une vie normale
Ils plaident à l’inverse pour une approche visant à atteindre l’immunité collective, en laissant la population « reprendre une vie normale » et en protégeant les plus vulnérables. « L’immunité grandissant dans la population, le risque d’infection baisse pour tout le monde, y compris les plus vulnérables, déclarent-ils. Par conséquent, notre objectif devrait être de minimiser la mortalité et le mal fait à la société jusqu’à ce qu’on atteigne l’immunité collective ».
Leur approche se veut « compassionnelle » et « prenant en compte les risques et les bénéfices ». Il s’agit d’« autoriser celles et ceux qui ont le moins de risques de mourir du virus de vivre leurs vies normalement afin qu’ils fabriquent de l’immunité au travers d’infections naturelles tout en protégeant celles et ceux qui ont le plus de risques de mourir ».
Plusieurs exemples de moyens de protection des plus vulnérables sont exposés. Les auteurs proposent de n’autoriser à travailler dans les établissements prenant en charge les personnes âgées vulnérables seulement le personnel immunisé et de réaliser des tests de dépistage fréquents pour les autres et les visiteurs. Pour les personnes âgées à domicile, la livraison des courses ou la restriction des rencontres avec les proches aux espaces de plein air sont parmi les solutions avancées.
« Une liste de mesures complètes et détaillées, incluant des approches pour les foyers comprenant plusieurs générations, peut être mise en œuvre. C’est largement dans la capacité et les prérogatives des professionnels de la santé publique », jugent-ils.
En parallèle, pour le reste de la population, « des mesures d’hygiène simples, comme se laver les mains et rester chez soi si l’on est malade, devraient être pratiquées par chacun pour réduire le seuil de l’immunité collective », poursuivent les auteurs. Cette stratégie doit permettre d’ouvrir de nouveau tous les lieux fermés. « Les personnes qui présentent plus de risque peuvent participer si elles le souhaitent à ce processus tandis que la société dans son ensemble bénéficie de la protection ainsi conférée aux plus vulnérables par ceux qui ont construit l’immunité collective », concluent-ils.
* Les Drs Martin Kulldorff (Harvard), Sunetra Gupta (Oxford) et Jay Bhattacharya (Stanford).
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque