LE STRESS a été reconnu récemment par l’INSERM comme un des principaux problèmes de santé actuels. Si les études sur les conséquences du stress chez l’adulte se multiplient et effraient les esprits, peu d’études abordent le stress chez les enfants. Or, les cabinets de pédopsychiatres et les centres médico-psychologiques pour enfants regorgent de situations liées de près ou de loin à la pression scolaire. À l’heure où 80 % des demandes de consultation psychologique concernent des difficultés scolaires, la scolarité semble concentrer les inquiétudes des parents à l’égard de leur enfant. Selon le Dr Patrice Huerre, pédopsychiatre et auteur de nombreux ouvrages sur la question*, « il y a plus d’angoisses chez nos contemporains adultes. Les parents veulent très bien faire, ils se saisissent de tous les conseils qu’ils peuvent glaner ici et là ». L’avènement de la contraception expliquerait en partie ce fort investissement des enfants de la part de leurs parents : « Il doit donner lieu à un retour sur investissement. La pression exercée sur l’enfant est telle qu’elle peut aboutir à plus de stress que pour les générations précédentes. Les enfants sont comme chargés de mission de réussir ce que les parents n’ont pas réussi, autour des enjeux scolaires en particulier », explique au « Quotidien » le Dr Huerre.
L’estime de soi en jeu.
Si le stress est néfaste pour l’adulte, on peut aisément supposer qu’il ne l’est pas moins pour les enfants. D’autant plus que l’enfant est moins armé pour le gérer. « Plus l’enfant est jeune, plus il est dépendant de son environnement et plus il y est attentif sur un plan très archaïque et sensoriel. Cette perméabilité s’atténue avec l’âge et varie en fonction des individus », souligne le Dr Huerre. Bien qu’il existe une variabilité interindividuelle fonction du patrimoine génétique et des expériences de vie, il est admis qu’un enfant a plus de difficultés qu’un adulte à prendre de la distance face à un stress. Lorsque la réussite scolaire devient l’enjeu principal de l’entourage, l’estime de soi de l’enfant risque d’en être dépendante. L’apprentissage devenant le moyen de satisfaire ses parents, plus que de se satisfaire soi-même.
Une étude française publiée en 2013 dans le « Journal de thérapie comportementale et cognitive »** a montré que les enfants en difficultés scolaires avaient une estime de soi plus faible et une symptomatologie anxieuse et dépressive plus importante que les enfants en réussite. A un âge où se forment les principaux traits de caractère et la personnalité, une fragilité narcissique risque de s’installer suivie de son cortège d’expressions et de défenses plus ou moins pathologiques. Une revue de la littérature publiée en juin 2013 dans la revue Psychologie Française*** avance que l’altération de l’estime de soi favorise l’apparition de réactions émotionnelles importantes telles que la dépression, l’anxiété et la consommation de substances psycho-actives à l’adolescence.
Un corps qui parle.
Mais alors, comment savoir si un enfant est stressé ? « A la différence des adultes, le stress des enfants s’exprime le plus souvent par le biais du corps. Par exemple, par le rapport au sommeil, à la nourriture, par des troubles digestifs ou dermatologiques et enfin, par des comportements inhabituels », note le Dr Huerre.
Ainsi, les motifs de consultations peuvent être divers et variés : troubles du sommeil, troubles du comportement, compulsions obsessionnelles, anorexie ou hyperphagie, troubles sphinctériens, constipation, douleurs abdominales, eczéma, migraines, aggravation d’une asthme, etc. La liste est longue. En fonction des symptômes de l’enfant, certains parents consulteront leur médecin traitant tandis que d’autres iront voir directement un psy. Lorsqu’une telle symptomatologie se présente, il importe d’évaluer le contexte familial et la chronologie des symptômes : Le symptôme disparaît-il le week-end ou pendant les vacances ? Est-il exacerbé lors des périodes d’évaluations ? Une réponse positive pourrait faire pencher la balance étiologique envers un stress scolaire.
Dans ce cas, plutôt que de centrer l’examen sur l’enfant et ses symptômes, il s’agit d’interroger les parents, de leur suggérer le lien avec une éventuelle pression scolaire et de jauger leur propre stress parental. Car si la réussite scolaire stresse les parents elle stresse aussi les enfants. Le tout est alors de donner la parole aux parents sur une ou deux consultations, afin de les aider à désamorcer ce stress qui leur est propre. « Ça permet de prendre du recul et l’enfant en profite grandement », précise le Dr Patrice Huerre. Le parent doit pouvoir reconnaître le stress comme étant le sien et non comme celui de son enfant.
À noter qu’il arrive que le stress soit dissocié d’une pression scolaire parentale, notamment dans le cadre d’un harcèlement par les pairs ou d’une pression de l’instituteur. Dans ce cas il importe aux parents et au consultant de faire le lien avec l’école.
Lorsque le stress ne peut être levé malgré l’aide proposée, il convient de conseiller aux parents une thérapie de soutien ou une thérapie cognitivo-comportementale auprès d’un pédopsychiatre ou d’un psychologue pour enfants. Toujours sans dramatiser. Car quelques séances suffisent parfois à lever le surcroit de pression.
* Faut il plaindre les bons élèves : le prix de l’excellence, Fayard (2005)
** Reda Salamon et al. Estime de soi et bien-être émotionnel des élèves en difficulté scolaire : une étude en vie quotidienne, Journal de thérapie comportementale et cognitive (2013) 23, 24-30
*** Dorard G. et coll. Estime de soi, soutien social perçu, stratégies de coping , et usage de produits psychoactifs à l’adolescence, Psychologie française (2013) Volume 58, numéro 2, 107-121
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