Bataille d’experts autour de la santé de Mme Bettencourt

Publié le 17/02/2015
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Crédit photo : AFP

Dans le procès Bettencourt qui se tient au tribunal correctionnel de Bordeaux depuis le 26 janvier et jusqu’au 26 février, les médecins se sont livrés cette semaine à une bataille de spécialistes pour déterminer le moment où la santé de la milliardaire a basculé. Dix personnes, dont l’ancien ministre UMP Eric Woerth, sont jugées pour « abus de faiblesse ». François-Marie Banier, déjà bénéficiaire de nombreuses largesses depuis les années 1990, est notamment soupçonné d’avoir reçu, fin 2006, un contrat d’assurance-vie de 262 millions d’euros puis de nombreux dons jusqu’en 2009. En 2007, il avait été désigné légataire universel de la richissime héritière du groupe L’Oréal.

Alzheimer, troubles vasculaires, surdité

Selon les cinq spécialistes – deux neurologues, un médecin ORL, un psychologue, placés sous la direction du Dr Sophie Gromb (médecine légale) – qui ont réalisé, à la demande du juge d’instruction Jean-Michel Gentil, une expertise en 2011 au domicile de la milliardaire, alors âgée de 88 ans, la « vulnérabilité » de la milliardaire remontait bien à septembre 2006. Selon eux, la chute de Liliane Bettencourt survenue à cette époque en Espagne « marque le début des troubles les plus apparents » d’une « démence à un stade modérément sévère » due à la maladie d’Alzheimer et à des troubles vasculaires. Les experts décrivent des « troubles cognitifs » et une désorientation spatio-temporelle tandis que le médecin ORL évoque une surdité sévère « évolutive » avec une « vitesse d’aggravation importante ». « Elle sait sa date de naissance » car les « informations sur-apprises sont connues », mais elle ne peut pas dire son âge, a souligné la neurologue Sophie Auriacombe. Même difficulté devant un « test très simple de vocabulaire », a expliqué le psychologue Bruno Daunizeau, relevant des réponses stéréotypées d’une « femme courtoise, très femme du monde ». Tandis que le médecin ORL a évoqué une surdité sévère « évolutive », avec une « vitesse d’aggravation importante ».

Fluctuations

Selon ces mêmes experts, la discussion pouvait avoir une « certaine cohérence » et que Liliane Bettencourt « pouvait tout à fait abuser son interlocuteur ».

Le Dr Bernard Laurent, neurologue cité par la défense, conteste la date de 2006. « À partir de fin 2010, je rejoins les experts » sur une aggravation importante de l’état cognitif de Liliane Bettencourt, a-t-il réagi. Mais une perte de discernement en septembre 2006 ? « Je réponds non, il y a des fluctuations. »« L’honnêteté des experts est de reconnaître que c’est difficile » de déterminer « à quel moment un déclin cognitif détermine un trouble du jugement », a-t-il ajouté, estimant que la confusion qui a suivi la chute de Mme Bettencourt n’est pas synonyme de « syndrome démentiel installé dans le temps ». Le Dr Michel Poncet, neuropsychiatre à la retraite a, lui, indiqué à la barre : « Si elle avait distribué de l’argent alors qu’elle ne l’avait jamais fait avant (...) là cela aurait posé problème. » Un argument que conteste le Pr Jean-François Dartigues, du collège d’experts selon qui, même au cas où la démence n’était pas avérée, la vieille dame était tout de même à cette époque (en 2008) en « état de fragilité ».

Le Pr Brücker cité par François-Marie Banier

À la fin de la semaine dernière, c’est le Pr Gilles Brücker, cité par François-Marie Banier, son ami d’enfance qui avait témoigné à la barre. Sollicité au milieu des années 1990 par le phtographe, il avait été amené à donner un avis sur la santé de l’héritière de L’Oréal. Le Pr Brücker a expliqué avoir assuré un rôle de « supervision » sur le suivi médical de la milliardaire et a rappelé n’avoir jamais soigné directement la milliardaire. « Mon souci, c’était l’accumulation des ordonnances, c’est compliqué quand il y a beaucoup de médecins », a-t-il expliqué, ajoutant avoir tissé au fil des ans une relation « d’affection » et de « confiance » avec Liliane Bettencourt. En 2003, la milliardaire fera du Pr Brücker son exécuteur testamentaire. « Je l’ai perçu comme une marque de confiance », indique-t-il. La Fondation Schueller-Bettencourt soutiendra deux associations de lutte contre le sida (ORVACS et Solthis) créées par le Pr Brücker et le Pr Christine Katlama au début des années 2000.

Dr Lydia Archimède

Source : lequotidiendumedecin.fr