« Si aujourd’hui, les pouvoirs publics ont une idée de la place que doivent occuper les médecins spécialistes au sein du système de soins, je serais bien curieux de la connaître. Car pour l’instant, on a l’impression que c’est un peu le grand vide et que les médecins spécialistes sont encore et toujours des gens suspects », souligne le Dr Pierre Monod
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Comme de nombreux médecins, le Dr Monod est très critique sur le projet de loi santé de Marisol Touraine, la ministre de la santé. « Il s’agit d’un texte purement idéologique, qui a été rédigé à partir d’une méconnaissance totale de la réalité de l’exercice médical. On a l’impression qu’on est venu craquer une allumette après avoir répandu un bidon d’essence sur le sol », souligne le Dr Monod, en dénonçant bien sûr le projet d’instaurer un tiers payant généralisé. « Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour permettre la mise en place d’une telle mesure. Il y a trop d’incertitudes dans le remboursement des sommes dues au médecin. On ne veut avoir que l’assurance-maladie comme interlocuteur. Or, avec la généralisation du tiers payant, les médecins devront gérer leurs remboursements avec les organismes complémentaires. Et cela n’est pas envisageable. Cela sera trop compliqué et surtout on voit bien que l’idée des mutuelles et des assureurs privés, derrière, c’est de remettre en cause le paiement à l’acte », note le Dr Monod, en faisant part de sa préoccupation devant la place de plus en plus importante que pourraient prendre à l’avenir les assurances complémentaires.
«Aujourd’hui, ce qui fonde le système libéral, c’est la convention avec l’assurance-maladie. Mais on voit que l’objectif des complémentaires est d’instaurer des conventions directes avec les médecins et pouvoir décider ce qui doit être remboursé. Imaginez demain : vous recevez une patiente pour une densitométrie. Vous devrez alors lui demander quelle est sa complémentaire et si elle prend en charge la densitométrie. Si ce n’est pas le cas, que pourra faire le rhumatologue ? Aujourd’hui, on se repose sur des critères médicaux définis avec l’assurance-maladie et, en amont, avec des référentiels établis avec la Haute autorité de santé. Mais demain, on risque de se faire imposer des critères médicaux définis par les mutuelles. Ce n’est pas acceptable car on s’orienterait alors vers une sélection des patients en fonction de leurs risques médicaux », estime le Dr Monod.
Organisation des soins et démographie médicale
Le Dr Monod reconnaît que la colère des médecins contre la loi santé traduit un profond malaise.
« Mais il n’est pas lié uniquement au problème du tiers-payant. Ce malaise est d’abord provoqué par deux problèmes majeurs qui sont pourtant sur la table depuis plus de vingt ans : l’organisation du système de soins et la démographie médicale », indique le Dr Monod, en soulignant l’importance, par exemple, de définir la place des médecins spécialistes dans l’organisation des soins primaires. « Il faudrait qu’on nous dise ce qu’on entend par soins primaires. Aujourd’hui, un rhumatologue a toute sa place dans la prise en charge des soins que l’on pourrait qualifier de primaires, par exemple une lombalgie qui commence à se chroniciser ».
Le problème de la démographie médicale est aussi une profonde source d’inquiétude. « En fait, la vraie angoisse de beaucoup de médecins libéraux est surtout de savoir comment ils pourront, demain, continuer à soigner dans de bonnes conditions avec des délais de rendez-vous qui ne cessent de s’allonger. C’est là qu’est le vrai malaise des médecins qui se mobilisent contre la loi santé bien plus que le problème de la revalorisation des honoraires », souligne le Dr Monod.
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