Quelles sont les interactions entre les œuvres d’art et le cerveau ? Qu’en est-il des pratiques et découvertes artistiques pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ? En quoi la musique et les arts visuels se révèlent-ils utiles pour soulager la douleur ?
Le Dr Pierre Lemarquis, neurologue et neurophysiologiste, s’intéresse à ces questions depuis plusieurs années. « Aimer Jeff Koons protège-t-il de la maladie d’Alzheimer ? », interroge-t-il ce vendredi lors de journées de formation sur les approches non-médicamenteuses dans le prendre soin des personnes fragilisées. Le neurologue s’est inspiré d’une enquête réalisée par le magazine « Beaux-Arts » pour inviter ses patients, lors de ses consultations, à classer par ordre de préférence différentes images, représentant notamment des œuvres d’art. « La plupart d’entre eux ont choisi le "Balloon Flower", de Jeff Koons, car cette image leur fait du bien, raconte le Docteur Lemarquis. Couleur jaune, synonyme de soleil et de bonne santé, ligne serpentine, signe de beauté, forme arrondie, qui peut rappeler le sein maternel… Tous ces éléments renvoient à des choses positives, à l’enfance, au bonheur. » Le patient va donc, inconsciemment, choisir une illustration pour ses vertus calmantes, rassurantes, apaisantes… et l’art se fait alors thérapeutique.
Une braise de résilience
Dessin, peinture, sculpture… Les vertus des arts visuels valent aussi pour une autre forme artistique : la musique. « La musique est une braise de résilience, notamment chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, explique-t-il. Elle est également bienfaisante pour les personnes âgées en général : elle fait revivre certaines émotions, certains souvenirs, certains lieux. » L’art, sous toutes ses formes, peut donc offrir un peu de répit aux malades, dans le sens où cela fait ressurgir des choses à la surface, où l’on reprend conscience de souvenirs oubliés… même si cela se réalise de manière ponctuelle. En outre, sans faire d’effort, le cerveau s’exerce et s’active. « C’est en ce sens que l’art sculpte le cerveau », pour la bonne santé de celui-ci. « Quand on prend de l’âge, l’audition baisse progressivement, précise le Dr Lemarquis. Mais, en écoutant Jean-Sébastien Bach, on compensera cette perte auditive par une meilleure capacité à reconnaître les sonorités : la richesse de cette musique, la grande diversité des instruments de l’orchestre conduisent notre cerveau à faire une gymnastique particulière. » Et quand le cerveau se met en route et s’agite, c‘est toujours bénéfique.
Une présence caressante
L’art, par conséquent, sculpte le cerveau… mais pas seulement ! « Il le caresse également », nous dit Pierre Lemarquis. Comment ? En permettant de sécréter certaines hormones, en agissant sur le système plaisir – récompense ou en apportant une forme de compagnie bienvenue. « Lorsque l’on écoute de la musique, on secrète de la dopamine, de la sérotonine, de l’ocytocine ou encore, des endorphines. Ce sont ces dernières qui donnent des frissons, révélateurs de la présence de morphine endogène… Et donc salutaires pour soulager la douleur », poursuit le neurologue. Au niveau physiologique, les bienfaits de l’art pour éloigner la souffrance sont donc avérés. En outre, l'art apporte une certaine présence : « La vieillesse entraîne souvent l’isolement, la solitude… L’œuvre d’art peut alors compenser l’absence et combattre l’ennui. » Quant à la question de la maladie d’Alzheimer, s’il n’existe pas de traitement à ce jour, « il a été démontré qu’avoir une vie sociale et culturelle bien remplie permet de retarder son apparition », conclut le Dr Lemarquis… et qui dit « vie culturelle », dit Beaux-arts.
* Dernier ouvrage, « L’empathie esthétique : entre Mozart et Michel-Ange », Odile Jacob, 288 p., 24,90 euros
* Colloque sur les approches non-médicamenteuses les 9 et 10 novembre au Centre des Congrès de la Cité des Siences et de l'Industrie de la Villette (Paris) : www.agevillagepro.com
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