La maladie de Parkinson naît-elle dans le tube digestif ? En 2003, l'anatomiste allemand Heiko Braak et son équipe formulaient l'hypothèse d'une implication du tractus digestif dans le développement de la maladie de Parkinson. Plus précisément, ils proposaient l'idée selon laquelle les agrégats d'α-synucléines fibrillaires se propageraient via le nerf vague entre les motoneurones innervant le tube digestif et le mésencéphale. Cette hypothèse vient d'être confortée dans un modèle animal, selon un article paru dans la revue « Neuron », qui ouvre des perspectives thérapeutiques importantes.
En temps normal, l'α-synucléine monomérique participe à la transmission synaptique. Chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, on constate des agrégats de fibrilles préformées (PFF) de α-synucléines capables de catalyser l'agrégation de nouvelles α-synucléines, à l'image de ce qui est observé dans les maladies à prions.
Des indices qui s'accumulent
« On observe ces agrégats dans d'autres régions anatomiques que le tube digestif, comme les glandes submandibulaires ou la peau, explique au « Quotidien » Michel Neunlist, chercheur à l'unité INSERM « système nerveux entérique dans les maladies digestives et du cerveau » (CHU Hôtel-Dieu de Nantes), mais l'hypothèse de Braak s'appuie sur des observations cliniques : la dysphagie et la constipation sont considérées comme des signes précédant de plusieurs années la maladie de Parkinson. » Avec la perte de l'odorat et les troubles du sommeil, les troubles gastro-intestinaux constituent en effet la « triade » de signes précurseurs de la maladie de Parkinson.
Selon certaines études de cohortes, les patients ayant subi une vagotomie suite à un ulcère gastrique, présentent une tendance à la diminution de la prévalence de la maladie de Parkinson. Une autre étude, fin 2018, constatait que l'appendicectomie est associée à une diminution de 25 % du risque de maladie de Parkinson dans certaines populations rurales. « Des résultats contradictoires avec d'autres études », prévient toutefois Michel Neunlist. Enfin, des travaux ont montré un lien entre dysbiose intestinale, inflammation et développement de la maladie de Parkinson.
Dans l'article publié dans la revue « Neuron », les chercheurs de l'institut d'ingénierie cellulaire de l'école universitaire de médecine Johns Hopkins, à Baltimore, ont démontré l'existence d'une transmission des agrégats d'α-synucléines dans un modèle expérimental de souris. Ils ont, pour cela injecté ces agrégats dans les couches musculaires du duodénum et du pylore, puis ont observé la manière dont ces agrégats se diffusaient progressivement. D'abord observés dans les noyaux moteurs dorsaux du vague, ils ont ensuite rejoint la région caudale du cortex postérieur puis ultérieurement la partie basolatérale de l'amygdale.
Cette progression des agrégats s'accompagne de l'apparition, chez les animaux de l'étude, de symptômes compatibles avec un diagnostic de la maladie de Parkinson. Sept mois après l'injection, les souris présentaient des déficits cognitifs, des pertes de capacités motrices et d'apprentissage. La même expérience, reproduite chez des souris dont le nerf vague avait été sectionné, aboutissait à une absence de transmission de symptômes.
Supprimer le substrat de la pathologie
Dans un second temps, les chercheurs ont injecté des amas fibrillaires à des souris génétiquement modifiées ne produisant pas d'α-synucléines. Ces animaux ne développaient pas de maladie de Parkinson. « C'est un résultat très important ! se réjouit Michel Neunlist. Ils confirment que les agrégats d'α-synucléines ne sont pas uniquement des marqueurs de la maladie et jouent un rôle moteur. En outre, cela prouve qu'on peut empêcher l'apparition des symptômes en privant la maladie de son substrat. Cela ouvre la voie à des pistes thérapeutiques, comme des anticorps monoclonaux ciblant l'α-synucléine. »
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation