RENDRE au tronc sa mobilité et son rôle dans la stabilité posturale lors de la marche chez les personnes invalides, grâce à une orthèse robotisée intelligente. Tel est l’objectif du projet de recherche codirigé par Jean-Marie Cabelguen et Jean-René Cazalets**, en collaboration avec Auke Ijspeert***. Un travail qui pourrait bénéficier, à terme, aux patients souffrants de pathologies spécifiques du tronc : camptocormie, cyphose lombaire progressive, scoliose, maladie de Parkinson... Ou encore à ceux atteints de tétraplégies ou d’autres paralysies à la suite d’un accident (lésion de la moelle épinière, accident vasculaire cérébral).
Jean-Marie Cabelguen et Jean-René Cazalets espèrent, ainsi, élucider les principes qui régissent le fonctionnement du système axial chez l’homme. Un projet ambitieux.
Les chercheurs ont pris comme modèle la salamandre. Car chez cet amphibien, les commandes neuromusculaires de la queue ressemblent de près à celles qui actionnent les muscles du dos chez l’homme. « Nos travaux biologiques chez la salamandre seront complétés par des expériences électrophysiologiques et pharmacologiques destinées à élucider ces mécanismes au niveau cellulaire », précise Jean-René Cazalets.
Biologie, modélisation et robotique.
Le laboratoire BioRob, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est chargé d’exploiter les données recueillies sur les déplacements de la salamandre pour créer un modèle numérique du réseau locomoteur de l’animal. Cet algorithme est ensuite utilisé pour tester les réactions d’un robot-salamandre. C’est en décortiquant les performances de ce robot que l’équipe de Lausanne peut émettre des hypothèses sur le fonctionnement du système nerveux de la salamandre. « Beaucoup d’hypothèses de nos collègues suisses ont été vérifiées par nos expériences sur le vivant. Ainsi, ce robot nous a permis de proposer un mécanisme simple de contrôle de la direction, de la vitesse et du mode locomoteur valable chez tous les vertébrés », indique Jean-Marie Cabelguen. Un travail inédit. Car, si nombreuses modèles ont été développés pour simuler les mouvements des membres au cours du déplacement, peu d’études ont été consacrées à la mobilité du tronc.
La prochaine étape vise à comprendre l’organisation de la commande neuronale du tronc de l’homme. La plate-forme d’analyse de la motricité de l’équipe de Jean-René Cazalets compte étudier, en profondeur, le fonctionnement du système locomoteur humain. « Nous équipons des sujets avec des électrodes qui enregistreront l’activité des différents muscles, explique le chercheur. Les mouvements de leur corps sont enregistrés en même temps afin de coupler la biomécanique de l’action musculaire et celle du tronc. Nous comparerons, ensuite, ces données à celles du robot-salamandre, soumis aux mêmes conditions expérimentales. »
Si le projet aboutit, il pourrait notamment permettre de créer une orthèse se présentant comme un exosquelette, calqué sur le modèle du robot-salamandre. « Ce système articulé intelligent, motorisé, permettrait au patient de récupérer une fonction locomotrice correcte avec une bonne stabilité. L’articulation du tronc au cours de la marche permet, en effet, d’ajuster en permanence la position du centre de gravité du corps », conclut Jean-Marie Cabelguen.
Les deux lauréats bénéficient, grâce au prix de l’innovation scientifique, d’un financement de 248 000 euros, permettant notamment d’étoffer leur équipe en rémunérant deux personnes pendant deux ans.
* La Fondation BNP Paribas pilote la politique de mécénat du groupe BNP Paribas. Elle finance, entre autres, des programmes de recherche médicales et environnementales. Elle a ainsi créé, cette année, le Prix Fondation BNP Paribas de l’innovation Scientifique en partenariat avec la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM). En savoir plus : www.mecenat.bnpparibas.com.
** Jean-Marie Cabelguen dirige l’équipe Plasticité des réseaux locomoteurs du Neurocentre Magendie, INSERM, et enseigne les neurosciences à l’Université de Bordeaux. Jean-René Cazalets est directeur de l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (CNRS) et responsable de la plateforme d’analyse de la motricité.
*** Ingénieur physicien, Auke Ijspeert, est professeur associé à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, où il dirige également le Laboratoire de biorobotique Biorob.
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