Face à la menace croissante de suppression, c'est un nouveau plaidoyer pour le maintien de l'aide médicale d'État (AME, octroyée aux étrangers en situation irrégulière), auquel vient de se livrer le Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Alors qu'un projet de loi sur l’immigration pourrait faire disparaître l’AME actuelle au profit uniquement d’une prise en charge des « soins urgents » – réforme supposée permettre une économie de 350 millions d’euros – les généralistes enseignants réitèrent leur hostilité totale à ce projet, qualifié cette fois de contresens « humain, éthique, sanitaire, et économique ».
Une inquiétude d'autant plus forte que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a lui-même ouvert la porte, dans un entretien au « Parisien » publié dimanche 28 mai, à une réforme de cette aide qui permet de couvrir les frais médicaux et hospitaliers des étrangers présents en France depuis au moins trois mois. « Faut-il discuter des modalités de l’aide médicale d’État ? La réponse est oui », a-t-il soutenu.
La prévention, source d'économies
Pour le CNGE, le raisonnement visant à supprimer l'AME (ou à la raboter) « ne tient pas compte de l’importance de la prévention et des soins de santé primaire », y compris sur le plan économique. De fait, rappelle-t-il, un meilleur accès aux soins réduit les dépenses de santé, « notamment pour cette population fragile alors que des soins délivrés plus tardivement et en urgence pour des pathologies plus avancées engendreront des coûts plus importants ».
L'argument est à la fois financier et éthique. En 2019, un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des Finances (IGF) a ainsi rappelé que l’AME répondait à un objectif « éthique, de santé publique et de pertinence de la dépense ». En clair, une réduction du panier de soins de l’AME risque d’augmenter le renoncement aux soins des publics fragiles et de dégrader leur état de santé. Ce même rapport soulignait que « l’AME n’est pas un outil de politique migratoire ».
96 % des primo-arrivants ont au moins une morbidité
Le CNGE met bien sûr également en avant les conséquences sanitaires d'une attaque contre l'AME. « Les études successives montrent que l’état de santé des primo-arrivants est préoccupant. D’après une étude marseillaise de 2022, 96 % d’entre eux avaient au moins une morbidité et 65 % au moins deux. Un trouble mental était constaté chez 89 % des primo-arrivants et 66 % avaient au moins une morbidité somatique », insiste le CNGE. « Les soins primaires sont un rempart contre l’exclusion, la détérioration de l’état de santé, et la mise en danger des populations vulnérables. L’AME n’est pas la seule solution, mais sa disparition rendrait ce rempart impossible à tenir », martèle-t-il.
Dans ce contexte de menace sur l'AME, le CNGE appelle à « ne pas créer de zones de fragilité en France et à penser les soins de santé primaires comme une force pouvant répondre aux besoins de santé des populations, de toutes les populations ».
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