CELA S’APPELLE jeter le bébé avec l’eau du bain. À la faveur de cette campagne électorale, décevante à plus d’un titre, les attaques contre l’Union européenne, contre la zone euro, contre l’idéal d’un continent enfin fédéré et à l’abri des dangers du passé, viennent de toutes parts : du PS, qui entend réviser des traités récents dont le seul objectif est de ramener la stabilité économique et financière, du Front de gauche (Jean-Luc Mélenchon), qui veut faire table rase de l’UE, du FN, qui se croit en mesure d’abolir l’euro, et maintenant de Nicolas Sarkozy qui accuse les accords de Schengen de transformer l’Europe en « passoire » autorisant des hordes africaines à envahir notre territoire. Cette course derrière le FN, inspirée par un conseiller sulfureux, Patrick Buisson, ancien directeur de « Minute », organe de la pensée de l’extrême droite, est étrange parce qu’elle dénote un entêtement stratégique qui pourrait bien achever la candidature du président sortant.
Un peu d’imagination, que diable !
Personne, parmi les autres conseillers du chef de l’État, n’a pu lui faire admettre que, en adoptant en 2012 une stratégie identique à celle qui l’avait conduit à la victoire en 2007, il ne faisait pas preuve d’imagination, qu’il ignorait le regain du Front national, désormais trop fort et trop averti pour être simplement copié, et que, dans son effort désespéré pour arracher à Marine Le Pen quelques centaines de milliers de ses électeurs, il s’aliénait le centre. Le discours de Villepinte, prononcé au lendemain d’un rassemblement radical qui a refusé de donner un blanc-seing à M. Sarkozy (Jean-Louis Borloo a refusé de participer au meeting, et comment aurait-il pu applaudir ce qu’il a entendu sur Schengen ?), est uniquement destiné à obtenir les suffrages de ces Français qui ont dit majoritairement non au traité constitutionnel européen. Jamais plus beau cadeau n’aura été fait au MoDem de François Bayrou.
D’autant que Schengen n’est pas une passoire. Dans les cas de crise, il admet les dérogations. Il existe en outre un système appelé Frontex qui autorise un ou plusieurs États signataires de l’accord de prendre des mesures d’urgence, à la fois sécuritaires et humanitaires, pour arrêter une déferlante migratoire dans des conditions décentes. Ce système n’a pas été activé lors de l’arrivée de milliers de Tunisiens sur les côtes italiennes, l’année dernière, et la France s’est contentée de pourchasser les clandestins qui débarquaient en masse en Italie pour rejoindre la France. En fait, notre pays, qui a accumulé les lois restreignant les conditions d’immigration, dispose de nombreux instruments capables d’arrêter un flux migratoire excessif, qui sont compatibles avec Schengen.
UNE POLITIQUE D’IMMIGRATION SÉVÈRE EST COMPATIBLE AVEC SCHENGEN
Le résultat, le voilà : M. Sarkozy ne peut plus dire que François Hollande commettrait une « folie » s’il renégociait le traité sur la gouvernance économique de l’Europe et le Mécanisme européen de stabilité. Du coup, la position de M. Hollande devient crédible et M. Sarkozy l’a lui-même renforcée. Dans sa frénésie électorale, le président sortant agace, inquiète ou révolte ses partenaires européens qui constatent tous les jours que la campagne en France, loin de dégager des projets convaincants, est en train de détruire la solidarité entre les membres de l’Union. Non seulement le discours de Villepinte n’a pas apporté à l’électorat une vision générale du prochain quinquennat, mais il indique qu’il va falloir reconstruire sur les décombres de l’intégration européenne. Tout cela se produit au moment où les plus gaullistes du gouvernement, de Fillon à Juppé, réclament plus d’Europe et rejoignent, au moins partiellement, le fédéralisme.
On ne sait pas vraiment ce que fera M. Sarkozy si, par chance pour lui, il est réélu. Mais on sait qu’un gouvernement socialiste soutenu par le Parti de gauche réviserait des dispositions européennes qui ont une importance vitale. On sait que Marine Le Pen reviendrait au franc. On suppose que, sans très forte correction de la trajectoire sarkozienne, le fameux « Merkozy » a probablement vécu, bien que la chancelière allemande ait apporté son soutien au président sortant. C’est extrêmement inquiétant parce que cette campagne, loin de préparer un avenir meilleur, est celle de la surenchère, des promesses intenables, de la déraison. Seul François Bayrou reste un Européen impénitent. Mais Bayrou, combien de divisions ?
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