« Nous sommes profondément choqués par cette décision idiosyncrasique et par le discours dirigé contre les traitements anti-alzheimer ! » Le Dr François Sellal, du département de neurologie des Hôpitaux Civils de Lyon et président de la Fédération française de neurologie, ne cache qu'avec peine sa colère face à la confirmation de la décision de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, de dérembourser 4 molécules indiquées dans le traitement de la maladie d'Alzheimer : donézépil, rivastigmine, galantamine et mémantine.
Dans un communiqué commun, 5 sociétés savantes (la Fédération des centres mémoire, la Fédération française de neurologie, la Société française de neurologie, la Société française de gériatrie et de gérontologie, et la Société Francophone de psychogériatrie et de psychiatrie de la personne âgée) ont protesté ce mercredi contre le déremboursement, qualifié de « délétère pour les patients français et leur entourage ».
Une efficacité « modeste mais indiscutable »
« Il existe un grand nombre d'études internationales qui prouvent que ces traitements symptomatiques ont un effet cognitif, certes modeste, mais indiscutable, affirme le Pr Sellal. Quant aux arguments sur la dangerosité, c'est de la désinformation car aucun événement indésirable grave non attendu n'a été décrit au cours des enquêtes de pharmacovigilances. »
Ces 5 sociétés savantes s'étaient déjà exprimées lors de la publication de l'avis de la commission de transparence de la HAS jugeant que le bénéfice/risque de ces médicaments B/R est défavorable. Pour le Pr Sellal, la HAS « a écouté un courant très minoritaire qui veut que la maladie d'Alzheimer soit une maladie sociale créée par l'industrie pharmaceutique, explique-t-il. Les spécialistes des centres mémoire de ressources et de recherche (CM2R) et des consultations mémoires de première ligne ne sont pas écoutés car on les accuse d'avoir des conflits d'intérêts. Or le ministère a lui-même inscrit dans les missions de ces centres la réalisation d'essais cliniques en partenariat avec l'industrie pharmaceutique. »
D'un point de vue politique, « Marisol Touraine avait promis de conditionner le déremboursement des traitements à une amélioration de la prise en charge », rappelle le Pr Sellal, pour qui le guide sur le diagnostic et le parcours de soins publié la semaine dernière par la HAS « n'est pas suffisant. On parle de stimulation cognitive et de rééducation, mais aucune étude scientifiquement valable ne prouve leur efficacité ».
Le Leem met en garde contre les « décisions à l'emporte-pièce »
Le président de la fédération des entreprises du médicament, le Leem, a mis en garde mardi contre « des décisions à l'emporte-pièce » de dérembourser certains médicaments sans tenir compte du risque de report de prescription vers d'autres produits plus néfastes. « En enlevant la prise en charge d'un médicament dont l'efficacité pourrait être jugée faible, il ne faut pas que ceci entraîne des reports de prescription sur d'autres molécules dont l'efficacité ne serait pas forcément bien meilleure et la tolérance encore moins bonne », a-t-il prévenu. Le cas des médicaments anti-Alzheimer pourrait être le prélude à une vague de déremboursements d'autres médicaments jugés peu efficaces, ou n'ayant pas fait l'objet d'une stricte évaluation scientifique, comme les médicaments homéopathiques. Agnès Buzyn a annoncé la semaine dernière son intention d'ouvrir le débat dès cet été.
Lors d'une interview sur Cnews, Agnès Buzyn a précisé qu’un décret sur le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer serait signé « dans les prochains jours », tout en assurant que ce n'était pas « une mesure budgétaire ». Ces médicaments « ont été jugés comme néfastes, nocifs et dangereux par la Haute autorité de Santé à deux reprises ». Elle a en outre affirmé le souhait du gouvernement de financer « l'accompagnement » des malades d'Alzheimer plutôt que des médicaments « nocifs et dangereux ». Le déremboursement constitue, selon elle, « une mesure de santé publique » : « Je veux réserver ce bien commun qu'est l'Assurance maladie à ce qui fonctionne et qui ne fait pas de mal », a-t-elle martelé.
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