Malgré les outils existants (accréditation, certification, DPC, « recos » HAS, guides...), des milliards d’euros seraient engloutis chaque année en actes inutiles et soins non pertinents. Habitudes tenaces, T2A inflationniste, atypies régionales, recommandations illisibles..: les raisons ne manquent pas. Mais désormais, les ARS disposent d’un guide et sont à la manœuvre. Le signe du changement ?
LA QUESTION SENSIBLE de la pertinence des soins va revenir sur le tapis dans les prochaines semaines, le gouvernement ayant décidé d’accélérer en chargeant les ARS du pilotage régional de ce dossier.
La polémique sur les actes médicaux inutiles rebondit périodiquement. En février encore, à l’occasion des États généraux du « Lien » sur la sécurité des patients, le chiffre d’environ 30 % d’actes injustifiés avait été cité, exhumé d’une enquête TNS/FHF de 2012 auprès de 800 médecins hospitaliers et libéraux (1).
Un tiers des actes et des examens qui, de l’aveu même des professionnels, ne serviraient à rien ? Reprise dans le journal de 20H de France 2, cette statistique avait fait grand bruit, provoquant une vague de commentaires indignés sur le quotidiendumedecin.fr... Des milliards d’euros (dix, vingt?) seraient ainsi gaspillés. Plusieurs facteurs sont incriminés : mauvaises habitudes des praticiens ou des établissements, tarification à l’activité inflationniste, pression des patients, peur du risque judiciaire qui conduit à multiplier les examens, référentiels inexistants ou inadaptés, manque de contrôle, « recos » non opposables...
HAS, CNAM, sociétés savantes...
Qu’en est-il ? Jusque-là, les pouvoirs publics ont surtout actionné des leviers nationaux pour traquer les actes et soins inutiles comme la certification des établissements, l’accréditation des professionnels (pour valoriser les pratiques exemplaires) ou encore le développement professionnel continu.
Des outils ciblés par thématique ont également été développés tels que les recommandations élaborées par la HAS (césariennes programmées à terme) ou des indicateurs de comparaison des pratiques construits par la CNAM censés fixer des seuils d’alerte pour les établissements (pertinence des appendicectomies, chirurgie du canal carpien).
Les sociétés savantes se mobilisent aussi, comme en témoigne l’édition 2013 du guide du bon usage des examens d’imagerie médicale, désormais présenté sous forme de logiciel interactif. Près de 400 situations cliniques y sont traitées. Chaque recommandation est accompagnée d’un niveau de preuve scientifique, de commentaires, d’analyse de la littérature et du niveau de la dose délivrée. Il faut dire que la radiologie classique est régulièrement épinglée au chapitre des actes inutiles.
S’agissant de la pertinence des parcours de soins, la HAS, encore elle, a publié des guides pointus relatifs aux maladies chroniques - BPCO, maladie rénale chronique, maladie de Parkinson, insuffisance cardiaque et demain maladie coronarienne, sclérose en plaques, Alzheimer...
Concertation régionale, diagnostic et plan d’action.
Les outils généraux ne manquent donc pas. Mais l’étau va se resserrer...à l’échelon des régions. Des études ont montré des écarts géographiques considérables sur les taux de recours aux soins hospitaliers ou à certains actes. Les ARS sont désormais aux manettes et disposent d’une feuille de route claire. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) vient en effet de publier à leur attention un guide complet sur la pertinence des soins qui couvre tous les champs d’étude : pertinence des actes, des produits de santé, des modalités de prise en charge (hospitalisation complète ou ambulatoire), des séjours et des parcours de soins. La région sera « au cœur du pilotage », l’idée étant de mobiliser les acteurs locaux (fédérations hospitalières, CME, spécialités concernées...) autour d’un diagnostic et de mesures « correctives » (pratiques à modifier, organisation des équipes à revoir, DPC ciblé).
Ces plans d’action devront se traduire dans les contrats d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les ARS et les établissements. Les hôpitaux s’engageront sur des objectifs précis : taux de chirurgie ambulatoire, de recours à la césarienne, pose de stents actifs au regard des référentiels, bon usage des médicaments anticancéreux... Dans les cas où cet accompagnement n’atteindrait pas les résultats, la mise sous accord préalable sera possible. À ce stade, seul le champ hospitalier est ciblé par le guide. Mais cette démarche régionale a vocation à être étendue aux soins de ville.
(1) Échantillon national de 803 médecins dont : 402 médecins hospitaliers, 201 spécialistes libéraux et 200 généralistes libéraux
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