Indemnisation des victimes du Mediator

Servier, l’État, les prescripteurs : qui est responsable?

Publié le 07/04/2011
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LES TRACTATIONS visant à créer un fonds spécifique aux victimes du Mediator sont maintenues secrètes. Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) et l’Association française des diabétiques réclament un fonds mixte, privé et public, au sein de l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux). La question devrait être rapidement tranchée.

Il existe un précédent de fonds 100 % public, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), créé par le législateur au début des années 2000. Environ 500 000 personnes ont été contaminées par l’amiante, des projections évoquent 100 000 morts d’ici à 2025. Le président du conseil d’administration du FIVA parle d’un « défi réussi ». « Le FIVA a su concilier réparation intégrale et rapidité de l’indemnisation », a déclaré Pierre Sargos lors du colloque « droit et santé », organisé le 1er avril à l’Université Lille 2.

La création de deux barèmes, l’un médical, l’autre financier, « a permis au FIVA de fonctionner dans des conditions assez raisonnables », a complété Pierre Sargos. Le FIVA a reçu 132 974 demandes d’indemnisation entre 2002 et 2010, il a versé près de 2,8 milliards d’euros aux victimes. En janvier et février 2011, 3 104 demandes supplémentaires ont atterri sur son bureau. « Quatorze ans après l’interdiction de l’amiante », précise Pierre Sargos, qui, s’il parle de « dépenses parfaitement maîtrisées », conserve « un goût amer » sur la langue : « Ce drame n’aurait pas dû avoir lieu. Il y a eu une absence totale de mesures de prévention les plus élémentaires, alors que le risque était connu ». L’État, reconnu responsable, a été condamné par deux arrêts du Conseil d’État pour n’avoir pas protégé les salariés exposés à l’amiante.

Irrationnel.

Sera-t-il également condamné dans l’affaire Mediator, pour défaut de contrôle d’un médicament défectueux ? Il est trop tôt pour le dire, ce qui n’empêche pas chacun d’avoir son avis. Ainsi du directeur de l’ONIAM, Dominique Martin, qui s’est exprimé lors du colloque lillois « droit et santé » : « À mon avis, la responsabilité de l’État n’a rien à voir avec celle du fabricant et des prescripteurs ». Pour Dominique Martin, l’affaire sombre dans « l’irrationnel ». « On a un superbe bouc émissaire, Servier, et on oublie la responsabilité des praticiens et des pharmaciens, or il y a eu beaucoup de prescriptions hors AMM ». Pierre Sargos, patron du FIVA, est intervenu pour rappeler que l’État, responsable du contrôle des médicaments, devra également rendre des comptes.

Contacté par « le Quotidien » en début de semaine pour préciser sa pensée, le directeur de l’ONIAM déclare : « J’ai adopté un ton provocateur à ce colloque lillois. Tout ce que j’ai voulu dire, c’est que la responsabilité des médecins peut se poser, nuance Dominique Martin. L’ONIAM ne préjuge de rien. Nous militons toujours pour que l’ensemble des acteurs, prescripteurs et fabricants, soient appelés dans la cause. À ce stade, l’ONIAM a été appelé dans sept procédures civiles. À chaque fois que le laboratoire Servier a été appelé seul, nous avons appelé le ou les prescripteur(s), et, dans un cas, l’établissement (le CHU de Brest), car la prescription était hospitalière. La question de la responsabilité des pharmaciens n’est pas encore posée, mais elle pourrait se poser un jour. Je maintiens ce que j’ai dit : la responsabilité de l’État n’est pas du même niveau que celle des prescripteurs et du fabricant car ce n’est pas un acteur de santé. La question des accidents médicaux, c’est d’abord l’affaire des acteurs de santé ».

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8940