Les Laboratoires Servier ont-ils tronqué des études sur le Mediator avant de les remettre aux autorités de santé, dans le but d’obtenir plus facilement son autorisation de mise sur le marché (AMM) ? C’est ce qu’affirment « Le Figaro » et « Libération » qui, dans leurs éditions du 6 septembre, faisaient notamment état des dépositions (extraits de procès verbaux dans le cadre de l’enquête judiciaire) du Pr Jean Charpentier, un neurochirurgien ayant travaillé dès 1968 pour Servier en tant que conseil scientifique.
Mémoire défaillante.
Le Pr Charpentier avait rédigé des expertises pharmacologiques (sous forme de synthèse d’études scientifiques réalisées par d’autres chercheurs) présentées par Servier aux autorités de santé pour obtenir l’AMM du Mediator. Dans sa déposition, il explique que ses travaux avaient à l’époque été tronqués pour gommer les caractéristiques de coupe-faim et d’anorexigène du médicament, et présenter le Mediator comme un antidiabétique. Interrogé par les juges sur le point de savoir pourquoi ces documents avaient été modifiés, le Pr Charpentier, 81 ans, leur a répondu : « je ne me souviens pas, les faits sont anciens et ma mémoire est défaillante ». Un peu plus tard, pressé de questions par les juges d’instruction, le Pr Charpentier indique que ces modifications ont été faites « dans le but d’avoir l’AMM ».
Pour Me Hervé Témime, avocat des laboratoires, Servier « n’a pas trompé les autorités en masquant le fait que le Mediator était un coupe-faim, ce qu’il n’était pas », a-t-il assuré sur « Europe 1 ». Contacté par « Le Quotidien », l’avocat va plus loin. « Servier n’a jamais donné la moindre instruction pour tronquer quoi que ce soit, assène-t-il. Et quand bien même il y aurait eu une dissimulation qui n’aurait pas été du fait des laboratoires Servier, elle n’a eu aucun effet sur l’obtention de l’AMM, puisqu’à la lecture du dossier de demande d’AMM, la commission de mise sur le marchéa demandé des compléments d’information ».
Me Témime parle d’un « acharnement exceptionnel contre Servier », et d’un traitement médiatique et administratif de l’affaire « très curieux. Y a-t-il volonté de nuire ? On peut se poser la question ».
Vers une mise en examen ?
Les Laboratoires Servier ont réagi à ces informations dans un communiqué. « Contrairement à ce qui a été indiqué, aucune étude du Pr Charpentier n’a été modifiée en vue de sa communication aux autorités sanitaires, et elles ont toujours été signées par lui et sous sa responsabilité », précise ce texte. Ce qui suggère que, selon Servier, si des modifications ont été apportées aux expertises réalisées par le Pr Charpentier, elles l’ont été par leur auteur, et non par Servier. Contacté par « Le Quotidien », un responsable de la communication du laboratoire s’abrite derrière l’enquête. Mais confirme que les Laboratoires Servier ont reçu une convocation des juges d’instruction, en vue d’une possible mise en examen. « Ce rendez-vous aura lieu dans le courant du mois de septembre », précise-t-il.
« Le Quotidien » a tenté, en vain, de joindre Me Charles-Joseph Oudin, avocat de victimes du Mediator. Mais pour Christian Saout, président du CISS (Collectif Interassociatif sur la Santé, représentant des usagers), « ces révélations établissement que des rapports commandés par Servier ont été délibérément maquillés et tronqués. Reste à savoir qui a fait ça, sur ordre de qui et dans quel but. À l’évidence, il y a eu tromperie, mais on peut se demander pourquoi la commission de mise sur le marché s’est laissée abuser aussi facilement ».
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