Le laboratoire américain Gilead a retiré sa demande d'inscription au remboursement pour son antiviral remdesivir (Veklury), après un avis plus que mitigé de la commission de la Haute autorité de santé (HAS) sur son efficacité contre le Covid-19, et avant même une audition contradictoire, a indiqué la HAS, par communiqué ce 17 septembre.
Le remdesivir, initialement développé contre Ebola, est le premier médicament à avoir obtenu une autorisation temporaire d'utilisation de cohorte par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France, en juillet, pour le traitement des patients ayant une pneumonie associée au Covid et recevant une oxygénothérapie. Cette décision découlait de l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle décidée par la Commission européenne cet été, sur recommandation de l'Agence européenne des médicaments.
Comme le veut la procédure, Gilead avait demandé à la Commission de la transparence de la HAS l'évaluation du remdesivir en vue de son remboursement.
SMR faible, dans des indications plus restreintes que celles voulues par Gilead
La Commission de la transparence (CT) a donc évalué le traitement lors des séances des 8 et 22 juillet, évaluation qu'elle publie ce 17 septembre sur son site.
La HAS considère que l'accès au remboursement n'est justifié que dans une population plus restreinte que celle de l'AMM européenne, soit uniquement chez des patients âgés de 12 ans ou plus, pesant au moins 40 kg, hospitalisés pour le Covid-19 avec une pneumonie nécessitant une oxygénothérapie à faible débit. Elle juge néanmoins que le service médical rendu (SMR) est faible.
En revanche, elle juge le SMR insuffisant pour les patients qui nécessiteraient une oxygénothérapie à haut débit, ou une oxygénothérapie lors de la ventilation assistée non invasive ou invasive, ou une oxygénothérapie par membrane extracorporelle (ECMO). Et considère donc que le remboursement ne serait pas justifié.
Pas d'effet sur la mortalité à J14
La HAS considère enfin que le remdevisir n'apporte pas d'amélioration du SMR (ASMR). Parmi les arguments avancés : l'étude pivotale américaine ACTT ayant le plus grand effectif (n = 1 063 patients hospitalisés avec pneumopathie, dont 88,7 % de forme sévère oxygéno-requérant) aurait un « critère de jugement principal de pertinence clinique discutable » (délai de rétablissement clinique, 11 jours avec remdevisir contre 15 avec placebo, en association aux soins standards). Les résultats ne démontreraient pas d'impact sur la réduction de la mortalité à J14 (7,1 % dans le groupe remdesivir versus 11,9 % dans le groupe placebo, HR = 0,70 ; IC95 % [0,47 à 1,04]), bien que les analyses en sous-groupe suggèrent un effet positif sur ce critère uniquement dans le sous-groupe des patients sous oxygénothérapie à faible débit.
En outre, l'étude ACTT ne livre pas de données sur la mortalité à J28, ni de données permettant de conclure de manière robuste sur l’efficacité selon le stade de la maladie et la durée optimale de traitement. Et elle ne démontre pas d'impact de l'antiviral sur la négativation attendue de la charge virale.
Résultats attendus à J28
La Commission de la transparence estime enfin qu'une réévaluation du remdesivir est nécessaire sur la base les données de mortalité à 28 jours de l’étude américaine ACTT dès leur disponibilité et au plus tard en octobre 2020.
Interrogé ce 15 septembre par les sénateurs dans le cadre de leur commission d'enquête, le Pr Yazdan Yazdanpanah et l'épidémiologiste Dominique Costagliola estimaient que pour l'heure, aucune étude n'avait montré l'efficacité du remdesivir, qui représente l'une des branches de l'essai Discovery (fille de Solidarity). « Mais nous pensons qu'il faut continuer à l'évaluer. Nous n'avons pas assez d'éléments, dans Solidarity et Discovery, pour dire : Stop à l'évaluation. Il faut l'évaluer plus longtemps pour savoir son impact sur la mortalité », a insisté l'infectiologue.
Selon la HAS, Gilead a retiré sa demande d'inscription au remboursement début septembre, et n'a pas fourni les données nécessaires à une évaluation économique du médicament par la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP). Selon le président de Gilead France, Michel Joly, cité dans « Le Monde », le groupe attend les résultats de l'étude ACTT à 28 jours, ceux de Discovery, et ceux des essais de la firme, avant de déposer une nouvelle demande.
En l'absence d'antiviral de référence, la prise en charge du Covid-19 repose sur les soins de support standard et les corticoïdes, recommandés dans les formes sévères par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), tandis que l’agence européenne du médicament (EMA) étudie une AMM pour la dexaméthasone.
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