« Que la justice soit faite. Le laboratoire Servier doit payer pour le mal qu’il a fait ». Noëlle et Emmanuel Gondouin font les cent pas devant la salle d’audience Victor Hugo du tribunal de grande instance de Paris. Ils arrivent des Ardennes pour assister à un procès pénal hors normes qui s’est ouvert aujourd’hui, celui du Mediator. Pendant 18 ans, le médecin traitant d’Emmanuel lui a prescrit cet antidiabétique, commercialisé par les laboratoires Servier dès 1976, et retiré du marché en France en novembre 2009.
Pendant trente-trois ans, 145 millions de boîtes de Mediator ont été vendues en France, exposant près de 5 millions de personnes à des risques de valvulopathies cardiaques et d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). À l’origine destiné aux diabétiques en surpoids, ce médicament a été largement prescrit comme coupe-faim, en dehors de son indication de mise sur le marché.
Le rôle des médecins traitants
À côté d’Emmanuel et de Noëlle, Christian, 59 ans, est venu de Montpellier pour représenter sa femme qui a pris du Mediator pendant une quinzaine d’années. « Quand ma femme a eu notre cinquième enfant en 1997, elle a eu du diabète et elle a été soignée avec du Mediator. En 2004, son cardiologue a décidé d’arrêter cette prescription du médicament mais c’est son médecin traitant qui lui a redonné. Aujourd’hui ma femme ne peut plus marcher sans aide », ajoute Christian, les larmes aux yeux.
Jean Claude, 59 ans, est commercial à Clermont-Ferrand. « J’ai pris le Mediator pendant dix ans. Mon médecin traitant m'a donné ceci pour réduire le mauvais cholestérol. J’en ai pris à partir de 1999. Un jour, j’ai perdu connaissance dans un escalier puis rencontré des problèmes de santé. À partir de 2009, j’ai entendu parler du Mediator, alors je suis allé voir directement un avocat pour porter plainte », dit-il.
Procès incontournable
Pour rien au monde, ces plaignants n'auraient manqué ce procès pénal qui s’ouvre « dix ans presque jour pour jour après la suspension de la commercialisation du Mediator, huit ans après l'ouverture d'une information judiciaire », a rappelé la présidente Sylvie Daunis en ouvrant les débats. « Le tribunal est conscient des sentiments d'impatience et de frustration, (…), des victimes, des témoins, des prévenus étant décédés entre-temps, autant de personnes qui ne pourront pas s'exprimer », a-t-elle souligné.
« Certains se sont posé la question de savoir si ce procès était utile. Il appartient aux sociologues et à chaque citoyen de répondre à cette question, pas au tribunal. Mais ce procès était incontournable à partir du moment où les juges d'instruction ont décidé qu'il y avait suffisamment de charges contre les prévenus pour les renvoyer devant le tribunal", a-t-elle fait valoir.
L'ANSM sur le banc des accusés
Après ces propos liminaires, la magistrate a appelé les accusés à la barre. Les laboratoires Servier et diverses sociétés sont poursuivis notamment pour « tromperie aggravée avec mise en danger de la santé », « d'escroquerie » au préjudice de la Sécurité sociale et des mutuelles et « d’homicides et de blessures involontaires ».
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, ex-AFSSAPS) est la deuxième personne morale sur le banc des accusés. Représentée par le directeur général de l’ANSM, Dominique Martin, l’organisme est mis en examen pour « blessures et homicides involontaires ». Il lui est notamment reproché d'avoir tardé à suspendre l'autorisation de mise sur le marché du médicament et de n’avoir pas prévenu médecins et patients de ses effets dangereux.
Sur les 12 personnes physiques mises en cause, trois ne sont pas venues dont Jean-Michel Alexandre, ex-directeur de l'évaluation du médicament à l'AFSSAPS, accusé de participation illégale d'un fonctionnaire à une entreprise précédemment contrôlée.
Faire la lumière
La présidente a ensuite procédé à la lecture de la (longue) liste des noms des plaignants. Au total, quelque 2 700 victimes se sont constituées parties civiles. « Ce chiffre est évolutif », a indiqué la présidente Sylvie Daunis.
Le président des laboratoires, Olivier Laureau, a tenté de relativiser la responsabilité de Servier. « Nous attendons de ce procès qu’il permette de faire la lumière sur les faits exacts, sur les responsabilités multiples dans cette affaire », a-t-il déclaré. Pour Me Catherine Szwarc, avocate à Montpellier, qui représente 160 victimes, « on attend des sanctions claires. Les victimes en ont assez des atermoiements ».
Annonçant des débats très techniques, la présidente du tribunal a précisé que le procès n'avait pas pour mission d'établir « combien de morts le Mediator a pu causer » mais de « dire le droit, avec toute l'aridité que cela suppose ».
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