Sécurité sanitaire

L’IGAS explore les failles des expertises

Publié le 19/05/2011
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Crédit photo : S Toubon

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DANS UN RAPPORT consacré, sur demande du ministère de la Santé, à l’« Expertise sanitaire » (1), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) se penche sur le fonctionnement du dispositif de garantie de la sécurité sanitaire actuellement à l’œuvre en France, qu’il s’applique à la santé strico sensu, à l’alimentation, à l’environnement ou au nucléaire. Les rouages de l’expertise sont démontés, ses failles mises à nu, et des propositions sont faites pour en améliorer la qualité.

L’IGAS commence par rappeler que l’expertise sanitaire est aujourd’hui « fournie par 14 organismes de statuts variés (agences sanitaires, autorités publiques indépendantes, organismes de recherche...) ». Le rapport ajoute qu’elle est aussi le fait de 8 000 experts dans le domaine de la santé et environ 800 dans ceux de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Ce décor étant planté, l’Inspection souligne qu’entre le modèle théorique de l’expertise et son application pratique, il y a quelques écarts.

Mélange des genres.

Ainsi, si « le principe de séparation entre l’évaluation des risques et leur gestion » (la première aux experts, la seconde à l’administration centrale) existe sur le papier, il devient beaucoup moins évident une fois décliné sur le terrain. Parce que « certaines expertises vont au-delà d’une évaluation des risques pour la santé » – la HAS, par exemple, investit parfois le champ « médico-économique », constate le rapport. Parce que, aussi, « presque toutes les expertises rendues comportent des "recommandations" au titre de la gestion des risques ». Ces ambiguités sont « à l’origine de bon nombre de tensions entre les acteurs du dispositif de sécurité sanitaire », explique l’IGAS qui milite pour une clarification du « rôle de chacun ». Comment faire ? « La présence de l’administration centrale dans les collectifs d’experts, en tant que membre ou invité permanent, ne paraît pas souhaitable », suggèrent par exemple, fort poliment, les rapporteurs. Ils suggèrent également de distinguer « expertise externe » (l’évaluation des risques pour la santé) et « expertise interne » (évaluation socio-économique), aujourd’hui trop imbriquées. À ce sujet, il y a des progrès à faire au niveau des saisines, estime l’IGAS, celles-ci méritant un meilleur « cadrage de la question posée ».

Marge de progrès pour les conflits d’intérêts.

Autre faille mise au jour : les conflits d’intérêt. Les obligations de déclaration « ne sont pas encore intégralement respectées », note l’Inspection en citant les mauvais élèves (« notamment l’INPES, l’InVS et les commissions placées auprès du ministre de la Santé »). Le sujet est complexe, convient le rapport, et « des questions de principe se posent, sur la nature des liens d’intérêts pertinents à déclarer, sur la qualification des liens d’intérêts, sur la potentielle contradiction entre compétence et indépendance », mais des règles existent et « un contrôle interne du respect de ces obligations législatives doit être mis en place ».

L’IGAS se déclare également favorable à la mise en place, comme les pouvoirs publics s’y sont engagés, d’un « sunshine act à la française, qui imposerait aux laboratoires de déclarer les sommes versées aux professionnels de santé » : ceci, dit-elle, « facilitera l’analyse de l’indépendance des experts ».

Le rapport formule également des recommandations pour garantir l’indépendance non plus individuelle mais collective des experts : il faut « renforcer l’ouverture [à des profils diversifiés, NDLR] de l’expertise, notamment dans le secteur de la santé » et « garantir l’expression d’avis divergents ».

(1) Françoise Bas-Theron, Christine Daniel, Nicolas Durand, « Expertise sanitaire », IGAS, avril 2011.

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8966