L’échec des Institutions face au Mediator

Les explications des anciens responsables

Publié le 02/05/2011
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Crédit photo : S TOUBON

« JE ME DEMANDE quelle est l’utilité de notre mission ; nous sommes face soit à des innocents qui dénoncent le système, soit à des responsables qui n’ont jamais rien su concernant le Mediator », s’exclame en pleine séance Jean Mallot, membre de la mission d’information sur la pharmacovigilance. Les auditions, mercredi et jeudi dernier, des diverses personnes ayant occupé des places à haute responsabilité depuis le milieu des années 90 n’ont en effet guère élucidé les raisons de la chape de plomb qui recouvrait le sujet.

Jean-René Brunetière, qui a œuvré à l’instauration de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), reconnaît des « occasions ratées, puisque dans le milieu scientifique, tout le monde était alerté dès 1976 ». Mais rien n’a filtré jusqu’à lui entre 1997 et 1999, assure-t-il. « Le Mediator était alors un médicament comme un autre, placé sous surveillance. Le premier cas de valvulopatie remonte à l’agence en février 1999, je quitte mes fonctions le 8 mars. » Même son de cloche du côté d’Emmanuèle Jeandet-Mengual, chef de service à la DGS de 1997 à 2000 et directrice de cabinet de Martine Aubry et Dominique Gillot entre 1999 et 2000 : « Le sujet ne m’est absolument pas passé entre les mains. Je n’ai jamais eu l’occasion de traiter de déremboursement. J’ignorais le mot Mediator jusqu’à ce qu’il sorte dans la presse il y a quelques mois. » Gilles Duhamel, « dircab » sous Bernard Kouchner en 1992 puis conseiller santé de Martine Aubry, affirme qu’il n’a « aucun souvenir précis du sujet. Ce n’était pas un dossier qui a posé des questions particulières au cabinet à cette époque ». Georges-François Leclerc, en poste de 2007 à 2010, a été beaucoup plus frappé par l’affaire du diantalvic à l’automne 2009. Vincent Mahé, dircab de Xavier Bertrand en 2007 résume ainsi la situation : « Il y a eu des trous dans la raquette. »

Saucissonnage.

Première explication avancée par certains auditionnés, comme William Dab : les responsabilités ont été diluées entre les nombreux experts et institutions. « On a découpé le secteur pharmaceutique en rondelles et il n’y a aucune vision globale », affirme l’ancien directeur de la Santé, illustrant son propos par la distinction entre les commissions d’autorisation de mise sur le marché et de transparence. À une autre échelle, la DGS n’avait, selon lui, qu’une tutelle administrative, et non fonctionnelle, sur l’AFSSAPS. Georges-François Leclerc, fort de ses 2 ans et demi au cabinet du ministère de la Santé, estime également que « le monde de la santé est entouré de satellites très indépendants et difficiles à administrer ». Gilles Duhamel soulève plusieurs questions, sans y répondre : l’Agence du médicament a-t-elle bien fonctionné ? Qu’en est-il de ses relations avec les institutions européennes ? Selon lui, savoir si le directeur de l’Agence du médicament devait porter à la connaissance du ministre de la Santé les signes d’alerte dont il disposait n’est « qu’une question d’appréciation ». Comme William Dab ou Georges-François Leclerc, il préconise le renforcement du politique sur la pharmacoviligance.

Mais d’autres voient les failles ailleurs. L’ancien directeur de l’Agence du médicament accuse directement les collusions entre agences et l’industrie pharmaceutique. « Les syndicats tournaient autour de notre structure à la recherche de nos meilleurs experts : l’indépendance était un peu faussée par ces promesses de recrutement » », reconnaît Jean-René Brunetière, qui dénonce également la « propagande active du laboratoire Servier ».

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 8953