ACTOS, RIVOTRIL, Protelos... La liste s’allonge des médicaments soit retirés du marché, soit faisant l’objet d’une restriction de leurs indications ou encore d’une sécurisation de leurs prescriptions, à chaque fois sur décision de l’AFSSAPS (ou de sa commission d’AMM) qui évalue les produits selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité.
L’antidiabétique Actos avait été retiré du marché par l’AFSSAPS le 11 juillet, dix jours avant que l’Agence européenne du médicament décide de son maintien. L’AMM d’Actos ayant été obtenue dans le cadre européen, l’avis de l’AFSSAPS ne saurait s’imposer ; mais l’agence française a fait preuve dans ce dossier d’une prudence que n’a pas observé l’agence européenne.
Parcours du combattant.
Au-delà du fond, c’est la lenteur des décisions administratives qui est pointée du doigt par certains laboratoires, dans un contexte de suspicion accrue autour du médicament. Lancer un nouveau produit peut se transformer en parcours du combattant. Martine Michel, pharmacien responsable du laboratoire Actelion, relate que le 21 janvier 2010, son laboratoire a déposé auprès de l’AFSSAPS une demande d’AMM (selon la procédure nationale) pour la spécialité Époprosténol, une poudre pour solution pour perfusion, utilisée dans les stades les plus sévères de l’hypertension artérielle pulmonaire, une maladie rare et léthale. « Il ne s’agit pas d’une molécule originale, concède Martine Michel, mais sa nouvelle formulation constitue une amélioration significative de la qualité de vie du patient ». Huit mois plus tard, « n’ayant obtenu aucune information sur l’état d’avancement de la demande d’AMM », malgré de nombreuses relances, Actelion retire sa demande d’AMM. Selon Martine Michel, une demande d’AMM selon la procédure décentralisée sera déposée prochainement. D’autres laboratoires, comme Lundbeck, disent avoir été « impactés » par des retards de mise sur le marché de certains médicaments en 2011 mais ne souhaitent pas communiquer sur ce sujet pour l’instant.
En matière d’évaluation des médicaments, la commission de la transparence (CT), qui apprécie au sein de la HAS le service médical rendu (SMR) ainsi que l’amélioration du service médical rendu (ASMR), se montre de plus en plus sévère depuis quelques mois. Aux yeux des laboratoires en tout cas, elle attribue trop souvent des SMR ou des ASMR faibles, voire insuffisants. En 2011, douze entreprises pharmaceutiques ont même préféré retirer leur dossier de la commission de la transparence afin d’éviter que ne leur soit rendu un avis incompatible avec une admission au remboursement. Sans doute attendent-ils des temps meilleurs...
Récemment, la CT a jugé faible l’ASMR du Gilenya (traitement de la sclérose en plaques de Novartis), qu’elle a indiqué uniquement dans les formes très actives de la sclérose en plaques (SEP) récurrente rémittente, du fait de réserves sur sa tolérance, a précisé la CT. Quant à l’antipsychotique Xeroquel LP d’AstraZeneca, la CT lui a accordé une ASMR 5 (pas d’ASMR) dans le traitement de la schizophrénie et dans celui des épisodes maniaques modérés à sévères des troubles bipolaires. Seul le traitement des épisodes dépressifs majeurs dans les troubles bipolaires a reçu une ASMR 4, « en l’absenced’alternative médicamenteuse ». On peut encore citer le Trobalt (GSK), un traitement des crises d’épilepsie, flanqué d’une ASMR 5 par rapport aux autres spécialités, et pour lequel la CT a recommandé un remboursement restreint. Enfin, en réévaluant le SMR de Meteospasmyl (Mayoly Spindler) pour le traitement symptomatique des manifestations fonctionnelles intestinales, la commission de la transparence lui a attribué un SMR (au lieu de modéré précédemment).
Manque de visibilité.
La liste est longue des médicaments visés. Au LEEM, syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique, Christian Lajoux ne mâche pas ses mots : « Les industriels ont peu de visibilité et de lisibilité sur les missions de la commission de la transparence, lâche-t-il au « Quotidien ». Pour le patron du LEEM, « cette absence de lisibilité apparaît comme un frein à l’accès à l’innovation pour un certain nombre de médicaments qui sont déjà commercialisés dans d’autres pays. De plus, la CT prend parfois des décisions curieuses, comme donner des SMR modérés à des médicaments qui avaient avant des SMR forts, ou des SMR insuffisants au lieu de modérés. La commission prend des mauvaises décisions mais elle les prend ».
Dans un grand laboratoire européen, un responsable qui souhaite rester anonyme abonde : « au cours d’une même réunion de la CT, trois médicaments présentant des avancées thérapeutiques importantes ont reçu récemment un ASMR 4, au mépris total des patients ». Il ajoute qu’au-delà de ce « durcissement »« les délais s’allongent, notamment pour obtenir un prix du comité économique du médicament (CEPS) ». Pour ce responsable, l’explication est simple : « Comme on est en période préélectorale et qu’on ne veut pas dire qu’on ne peut plus payer l’innovation, on prétend que ces médicaments présentent des risques ».
Des arguments que réfute le Pr Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence de la HAS, pour qui « on est dans le domaine de la polémique ». « Ne plus admettre au remboursement que ce qui est meilleur, ou tout au moins ce qui n’est pas inférieur à l’existant, c’est ce que nous faisons à la CT depuis des années. C’est ce qui entraîne chez les industriels des réactions de dépit ou de colère. Quand un nouveau médicament arrive et qu’il est peut-être moins bon que l’existant, nous ne le prenons pas, alors qu’avant, on prenait, j’ai des exemples précis en tête... Ce n’est pas l’affaire Mediator qui nous a fait décompenser, c’est une doctrine générale adoptée il y a plusieurs années. De ce point de vue, l’adoption de la loi sur le médicament va nous conforter dans notre attitude ».
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