La mise en cause du « Quotidien du médecin » et plus généralement de la presse médicale par les professeurs Debré et Even dans leur rapport sur le médicament ( voir notre édition du 18 mars) n’a pas laissé insensible nos lecteurs qui pour beaucoup d’entre eux ont pour le moins regretté, voire souvent condamné le jugement à l’emporte pièce des auteurs de ce texte. Nombreux sont ceux qui nous ont envoyé des messages pour nous manifester leur solidarité. Nous publions aujourd’hui trois lettres qui vont dans le même sens. Fachés aussi, les experts : la lettre du Pr François Témolières en témoigne.
« Réflexions d’un modeste expert agressé »
PARIS
PR FRANÇOIS TREMOLIERES
Son grand Père fut à l’origine d’une réforme majeure de notre système de santé. J’ai eu la chance et l’honneur de croiser et d’échanger sur cette réforme avec Robert Debré en 1972, il avait 90 ans et était impressionnant de clarté et de lucidité pour l’interne que j’étais.
Je crains que le rapport présenté par son petit-fils, ses attendus, et ses conclusions ne soit à des années-lumière du projet positif de l’aïeul.
La désignation par le chef de l’Etat, pour une "mission sur la refonte du système français de contrôle de l’efficacité et de la sécurité des médicaments", de deux trublions patentés laissait mal augurer de conclusions sereines. Célèbres tous les deux, l’un pour ses conflits d’intérêts et ses casquettes politico-médico-éthiques multiples, l’autre pour sa seule raison de vivre, la provocation, leurs interventions médiatiques personnelles des dernières semaines ne pouvaient guère être prédictives d’un travail objectif, dépassionné, complet. Ajoutons que je ne peux oublier les propos de Bernard Debré lors de l’arrivée de M. Chirac à Matignon en mars 1986 disant : "il n’y a de bonne médecine que rémunérée à l’acte", ce qui est tout un programme ! mais aussi l’exceptionnelle séquence qui glorifie Philippe Even lors d’une étrange conférence de presse improvisée le 29 octobre 1985 dans les locaux du ministère des Affaires Sociales, pour annoncer au monde médusé qu’ils ont trouvé avec la ciclosporine (dans un pseudo-essai que la morale ne peut que réprouver) le traitement du SIDA.
L’actuel rapport est dans la droite ligne de cette farce tragique. Le résultat est au-dessus des espérances les plus folles. Que des adaptations, des réformes, et pourquoi pas de vrais bouleversements soient nécessaires dans ce domaine complexe du médicament, c’est indubitable, et certainement on ne sait pas, on n’a pas su les faire. Et il faudra les faire. Mais les propositions, dont certaines seront surement à retenir, faites dans l’outrance, l’imprécision, le superficiel de situations mal (ou pas du tout) connues des auteurs, et l’injure générale pour tout ce qui n’est pas eux et leurs idées est intolérable. J’ai alors eu la prétention illusoire d’en faire une exégèse, mot trop noble pour ce qui ne peut être qu’une dispute. J’ai commencé ce travail, mais me suis trouvé sidéré lorsque l’incendie concernant l’Afssaps a débuté à la page 36. Il y a tant d’affirmations non justifiées, tant d’imprécisions, tant d’erreurs, tant d’agressions, tant d’injures. On se limitera pour justifier cette indignation à 3 illustrations, morceaux choisis de ce qui aurait pu être du Zola mais n’est tout compte fait que du Gobineau.
L’illusion que la qualité d’un expert se détermine, comme au CNU, sur le nombre de leurs publications et de leurs citations, et ne concerne bien sûr que des PUPH, est atterrante. Au mieux ce peut être un critère parmi beaucoup d’autres. Mais l’idée plusieurs fois répétée que l’avenir est à un tout petit nombre de "super experts" forcément PUPH, dont l’excellente rémunération serait un gage de qualité est un fantasme de la société du fric où nous sommes. Les duettistes ignorent manifestement le mode de fonctionnement exact de la commission de transparence pour la détermination des SMR – ASMR. Il est un moment pathétique du commentaire à propos de la commission d’AMM : prenant appui dans un paragraphe mémoriel de l’excellent fonctionnement de la première commission d’AMM française présidée par Marcel Legrain de 1977 à 1985 "alors qu’elle ne disposait d’aucun moyen et aucun budget propre et que ses membres n’étaient en rien rémunérés. Une salle du ministère et une ou deux secrétaires détachées à temps partiel. On tapait ses rapports soi-même". Ils ne comprennent pas pourquoi aujourd’hui l’AFSSAPS et l’HAS emploient 1 350 personnes, mais que l’efficacité du système de contrôle des médicaments n’en a pas été significativement améliorée. Bien sûr on peut s’interroger sur l’efficience (pour reprendre un vocable cher à nos technocrates) du système, mais pas avec ce type de comparaison qui fait beaucoup vieillard aigri : "moi de mon temps…!"Ce rapport sous cette forme ne sert à rien qu’à provoquer les professionnels et à agiter les médias dans ce qu’ils préfèrent : le scandale.Il y aurait un vrai travail à faire, ce que nos provocateurs n’ont pas voulu, c’est nettoyer ce texte de toutes les inexactitudes, des faux, des provocations, des injures; et en extraire ce qui est positif – il y en a – mais est aussi susceptible d’être appliqué. Peut-être que des gens sérieux vont pouvoir le faire. Certains expliquent que ce rapport n’a rien d’officiel. C’est tout de même tordre le cou à une demande explicite, médiatisés, du Président de la République.
Il ne faut pas stigmatiser la presse médicale
BANYULS-SUR-MER (66)
Dr PIERRE FRANCES
Je me permets de rebondir suite à la mise en accusation de la presse médicale, et tout particulièrement le Quotidien du Médecin dans le rapport Even-Debré.
Je tiens dans un premier temps à remercier le Quotidien du Médecin qui depuis le début des années 1970, n’a pas arrêté d’informer les médecins sur les différents événements de leur vie professionnelle.
Personnellement, je ne trouve pas d’équivalent au niveau de la presse médicale qui nous permette en un temps record d’être informé sur les différents problèmes et aléas de notre activité professionnelle, cela, je peux le dire en toute objectivité.
En ce qui concerne la FMC, les différents articles sont également de qualité, et leurs auteurs se réfèrent toujours à des référentiels (HAS notamment), élément qui pour moi reste un gage de qualité.
Étant parfois pigiste, je sais que je serai toujours critiqué (car cette revue est lue et analysée par de nombreux professeurs de médecine) si des preuves édictées par des Sociétés Savantes ne sont pas suivies. Dans tout ce que j’ai pu écrire, pas une seule phrase, pas un seul mot privilégie un labo ou un autre, et les références utilisées pour effectuer mes bibliographies sont clairement établies (elles proviennent toujours d’ouvrages réputés par leur intégrité et de normes validées).
Ma seule déception reste que mes confrères n’ont pas le réflexe de mettre la main au portefeuille pour se former, et dans ce cas l’industrie pharmaceutique vient au secours de la presse médicale.
Sans cette presse, certains de mes confrères n’accéderaient pas à une remise à niveau.
Si nous souhaitons être objectifs, il faut également parler de la formation indemnisée.
Cette dernière très onéreuse est souvent également orientée par les objectifs de nos organismes sociaux, ou priorité nationale.
Ainsi il est rare de voir des sujets relatifs à des symptomatologies du quotidien…
Ne tirons pas sur l’ambulance, et remercions l’ensemble des titres de presse médicale (dont le nombre ne cesse de diminuer) qui nous instruisent, et cela en toute objectivité.
Lettre ouverte aux Prs Even et Debré
SAINT MAUR (94)
PR PIERRE GODEAU
Nos liens professionnels très anciens, nos rapports de cordialité, voire d’amitié réelle qui datent de plus de trente ans me permettent, me semble-t-il, de vous dire sans ambages ce que m’inspirent vos prises de position sans nuances et sans esprit critique tout à fait insolites de la part d’hospitalo-universitaires et surtout de médecins ayant eu des responsabilités cliniques de soins aux malades.
Il m’est impossible de ne pas souligner la légèreté de vos propos aussi bien en ce qui concerne le fonctionnement de l’AFSSAPS, les commissions d’AMM et la Pharmacovigilance. Que le système ait besoin d’être réformé, ou du moins amélioré, ce n’est pas niable mais il est insupportable de voir ses membres accusés d’incompétence.
Ce qui est beaucoup plus grave, c’est d’exposer au grand public vos états d’âme sur l’inefficacité supposée d’un grand nombre de médicaments. Alimenter ainsi l’inquiétude, voire l’angoisse de centaines de milliers de patients avec le risque de leur voir abandonner ou suspendre des médicaments indispensables, c’est véritablement une entreprise de déstabilisation inacceptable de la part de médecins ayant prêté le serment d’Hippocrate et a fortiori d’universitaire dont l’exemplarité fait partie intégrante de leurs devoirs.
Mon but n’est pas d’entamer une polémique supplémentaire dans une période où l’exercice de la médecine se heurte à de multiples problèmes d’ordre économique, éthique, scientifique.
Si, malgré les obstacles, la médecine française a conquis et gardé une place honorable, elle le doit en grande partie à la qualité des contacts humains et non seulement aux progrès techniques. Des déclarations intempestives laissant entendre que les médecins n’ont pas bénéficié d’une formation thérapeutique suffisante ne peuvent que saper la confiance des malades en leur médecin traitant.
Il est désolant que vous n’ayez pas saisi tout le mal que vous risquez de faire au sein de la communauté des patients et que vous n’ayez pas su mesurer les conséquences de déclarations inopportunes.
Je suis également choqué par vos prises de position sur l’intégrité de la presse médicale spécialisée qui rend d’incontestables services et a fait la preuve de son respect de l’éthique et de sa liberté d’expression. C’est pourquoi j’adresse copie de cette lettre au Quotidien du Médecin et à la Présidence de la République.
Stupéfiant
RUMEGIES (59)
Dr PATRICE SAUDO
Les critiques scandaleuses à votre encontre de la part de "vieux" professeurs, donneurs de leçons, sont tout simplement stupéfiantes.
Pour ma part, au moment de prendre ma retraite, je veux vous assurer de mon soutien. La lecture du Quotidien chaque jour à 13 h30, en buvant mon café, avant de commencer mes consultations, m’a toujours fait beaucoup de bien et de plus j’y ai toujours appris beaucoup de choses. Cela a duré 34 ans. Et cela va énormément me manquer à la retraite…
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