Depuis le retrait du Mediator un déballage médiatique a eu lieu, au cours duquel ont été notamment soulignées les failles du dispositif de mise sur le marché et de pharmacovigilance.
Côté pharmacovigilance, de nombreuses de voix autorisées semblent d’accord pour estimer que le dispositif mérite quelques améliorations. Au-delà des études menées dans le processus de développement d’un nouveau médicament, la loi fait obligation à tout laboratoire de mettre en place un service de pharmacovigilance placé sous la responsabilité d’un médecin ou d’un pharmacien. Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales du LEEM (Les Entreprises du Médicament), rappelle que « ce service doit déclarer à l’AFSSAPS, dans des délais fixés par la loi, tous les effets qui lui sont transmis par les professionnels de santé, sous peine de sanction pénale et financière ». Le laboratoire doit aussi dresser un rapport périodique des incidents, ce qui peut aboutir à une modification du RCP (résumé des caractéristiques du produit). Ce sont ces modifications du RCP qui permettent aux médecins d’être alertés sur les effets indésirables.
Des centres régionaux de pharmacovigilance sont placés sous l’autorité conjointe de l’AFSSAPS et des ARS. Ces centres reçoivent les notifications spontanées des professionnels de santé, et peuvent mener des enquêtes s’ils sont saisis d’un problème.
Enfin, à l’AFSSAPS se trouve la commission nationale qui examine l’ensemble des enquêtes menées, les faits rapportés, ainsi que les demandes de modifications des caractéristiques du produit. Elle réexamine aussi la balance bénéfice risque du produit, mais son avis doit être ensuite validé par la commission
d’AMM.
Un système qui ne fonctionne pas
Il suffit cependant d’écouter les propos de Xavier Bertrand, ministre de la Santé, pour conclure que ce dispositif de pharmacovigilance ne donne pas toute satisfaction. À telle enseigne que selon nos informations, le LEEM mènerait actuellement une réflexion, pas encore finalisée, sur les améliorations à apporter au système. Sans préjuger des conclusions du rapport que l’IGAS doit rendre public ce week-end, quelques pistes sont déjà suggérées.
Pour Claude Rambaud, présidente de l’association « Le Lien » et administratrice du CISS (collectif d’associations de patients), « s’il est vrai, comme on le dit, que certains médecins disposaient d’indices de complications pour le Mediator, ça veut bien dire que le système ne fonctionne pas ». Claude Rambaud note par exemple que si des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect par le professionnel de santé de l’obligation de signalement d’incident pour ce qui relève de la matériovigilance, rien de tel n’existe pour la pharmacovigilance. Les textes font bien obligation aux professionnels de santé de signaler tout incident, mais ne prévoient aucune sanction. Claude Rambaud suggère également de « mieux documenter les causes de décès de malades sous traitement, ce qui permettrait de faire remonter des informations parfois capitales ». Autre piste de réforme pour Claude Rambaud, modifier la loi pour permettre à l’Assurance-maladie, « qui dispose des données complètes sur les complications iatrogéniques », de s’intéresser à ce problème.
À l’UFC-Que Choisir, même si on a choisi l’attaque frontale en déposant plainte contre le laboratoire Servier, le directeur Alain Bazot n’en a pas moins mené avec son équipe une réflexion sur le sujet. « Dans cette affaire, c’est avant tout la capacité d’alerte de la commission nationale de pharmacovigilance (CNPH) de l’AFSSAPS qui a fait défaut », indique-t-il en préambule. Pour Que Choisir, la CNPH n’est pas dotée des outils d’aide à la décision adaptés, et les centres régionaux disposent de moyens financiers trop limités pour mener leur mission. Que Choisir reprend enfin l’argument déjà développé d’un financement de l’AFSSAPS « entièrement assuré par l’industrie pharmaceutique », ce qui ne « garantit pas l’indépendance de l’agence », semblant oublier que ce financement est totalement indirect, puisqu’issu de taxes acquittées par l’industrie.
Enfin, pour Didier Tabuteau, qui a été l’initiateur de l’Agence du Médicament et son premier directeur général entre 1993 et 1997, une des pistes d’amélioration de la pharmacovigilance consisterait à faire de celle-ci une des missions (rémunérée ?) du médecin dans le cadre de la convention.
Quoi qu’il en soit, les connaissances progressent et les règles de la pharmacovigilance évoluent avec les données de la science. Comme le rappelle Catherine Lassale, « en 1976, les études cliniques n’étaient pas du tout ce qu’elles sont devenues en 2010. De nombreux progrès ont été faits, notamment sur la compréhension de la tolérance ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation