LE QUOTIDIEN – Une de vos recommandations sur le diabète a été abrogée par le Conseil d’État au printemps. En mai dernier, vous avez vous-même retiré une recommandation relative à la maladie d’Alzheimer et annoncé dans la foulée « des mesures fortes pour faire la totale transparence sur les travaux passés » de la HAS. Où en êtes-vous ?
Pr JEAN-LUC HAROUSSEAU – La HAS a mis en place dès sa création des règles de prévention des conflits d’intérêt, durcies en 2010, avec l’arrière-pensée qu’elles contribuent à l’indépendance de notre institution. Il se trouve que par le passé, la HAS n’a pas été toujours totalement en accord avec ses propres recommandations, et nous avons fait l’objet d’une plainte devant le conseil d’État par l’association Formindep, qui a entraîné l’abrogation de notre recommandation sur le diabète. J’ai pris par la suite la décision de suspendre la recommandation sur la maladie d’Alzheimer.
Parce que le même sort allait lui être réservé ?
Non, mais parce que dans le climat de suspicion généralisée vis-à-vis du système de santé français lié notamment au drame du Mediator, il était capital pour moi de restaurer la confiance. Mon but était de garantir la légitimité de nos recommandations et de confirmer l’indépendance de la HAS. Dans ce but, je m’étais engagé en mai dernier à revoir toutes les recommandations de bonne pratique produites par la HAS depuis sa création jusqu’à mars 2010, date de sortie de nos nouvelles règles et de la nouvelle mouture du guide de gestion des déclarations d’intérêt. C’est ce que nous avons fait. Ca a été un long travail, nous avons passé en revue 70 recommandations, et nous en avons trouvé 6 (en plus de celle sur la maladie d’Alzheimer) qui nous semblent présenter une faiblesse pour ce qui concerne les déclarations publiques d’intérêt. Nous avons pris la décision de les suspendre, comme celle par exemple sur le diagnostic, la prise en charge thérapeutique et le suivi des spondylarthrites, publiée en décembre 2008 [voir liste complète ci-contre].
Nous allons indiquer sur le site de la HAS qu’elles sont suspendues par décision du Collège en attendant leur actualisation, et nous inscrivons cette actualisation à notre programme 2011-2012 de manière prioritaire. C’est une décision difficile et lourde, et je pense à tous les experts et à toutes les personnes des services de la HAS qui ont travaillé, et qui vont vivre ça comme une injustice alors qu’ils ont le sentiment d’avoir fait leur travail. Je tiens à les remercier et à leur garantir que leur travail scientifique n’est pas perdu, qu’il servira lors de l’actualisation.
Le temps moyen d’élaboration d’une recommandation de la HAS est entre 15 et 18 mois. Est-ce valable pour une actualisation ?
L’un de mes objectifs est que le délai entre la saisine du Collège et la production de la nouvelle recommandation soit le plus court possible. Je ne veux pas m’engager, mais je pense que nous pourrons les publier durant l’année 2012, et certaines peut-être même avant l’été. À ce sujet, nous avons demandé aux différents collèges professionnels de dresser une liste d’experts qui acceptent de participer à nos travaux et qui n’ont pas de conflits d’intérêt, de façon à pouvoir travailler vite. Car actuellement, nous lançons un appel à candidatures et sollicitons certains experts, mais quand arrive leur déclaration de liens d’intérêt, on se rend compte qu’ils ne vont pas pouvoir siéger. Nous allons donc gagner du temps avec cette liste d’experts. D’ailleurs, nous avons pris d’autres mesures, comme celle qui consiste à leur permettre de remplir directement leur déclaration d’intérêt sur le site de la HAS.
Les professionnels de santé s’appuient sur les recommandations de la HAS dans leur pratique. Sur quels textes vont-ils s’appuyer en attendant leur actualisation ?
En théorie, ces recommandations ne sont pas opposables et un médecin peut ne pas les utiliser. Mais en pratique, elles sont tellement importantes et attendues qu’elles servent de guide. Leur suspension crée donc un vide. Je ferai la comparaison avec un article scientifique : dans le monde anglo-saxon, quand on publie les résultats thérapeutiques d’un médicament, on précise ses liens d’intérêt avec les industriels concernés. Ca n’empêche pas l’article d’être publié, ni les médecins de s’en inspirer tout en sachant que l’auteur de l’article a un lien d’intérêt susceptible d’avoir orienté son jugement. Dans les recommandations que nous avons suspendues, nous ne nous prononçons pas sur le contenu scientifique, mais seulement sur les liens d’intérêt. La valeur scientifique de ces recommandations peut demeurer.
On peut être un bon expert et n’avoir aucun lien d’intérêt ?
C’est une question difficile. Il y a des domaines, notamment dans les maladies rares et les maladies dans lesquelles le progrès est très rapide, où il y a en effet des experts incontournables, qui détiennent la science. Ce que nous envisageons de faire, c’est de les écouter dans les groupes de travail, en affichant leurs liens d’intérêt. Mais ensuite, ce sont les membres des commissions qui prennent la décision. Il faut bien séparer les sachant, qui viennent nous éclairer, et ceux qui prennent la décision. Ces derniers ne doivent avoir aucun lien d’intérêt.
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