Effet d'annonce ou point de départ d'une relocalisation majeure ? Le gouvernement a annoncé ce 18 juin vouloir réimplanter en France d'ici trois ans la chaîne de production du paracétamol, très utilisé par les Français.
« Dès jeudi, nous lancerons une initiative de relocalisation de certaines productions critiques », avait déclaré mardi le président de la République à l'issue de la visite d'une usine Sanofi dans le Rhône, en promettant une enveloppe de 200 millions d'euros pour financer des infrastructures de production.
La secrétaire d'État auprès du ministère de l'Économie Agnès Pannier-Runacher et le ministre de la Santé Olivier Véran sot revenus sur le sujet ce jeudi, annonçant que « des travaux sont engagés avec Seqens, Upsa et Sanofi pour que, d'ici 3 ans, la France soit en mesure de reproduire, conditionner et distribuer du paracétamol ».
Cet antalgique a été très demandé au début de l'épidémie de coronavirus en France, sans toutefois de rupture de la chaîne d'approvisionnement.
« C'est une bonne nouvelle », a réagi dans un email à l'AFP Didier Véron, le délégué général du G5 Santé, les huit principales entreprises françaises du secteur de la santé (Sanofi, Ipsen, Pierre Fabre, Servier, LFB, bioMérieux, Théa et Guerbet). « Le paracétamol est un traitement indispensable et très utilisé aussi durant les crises sanitaires, comme celle de la Covid-19. »
Contrer la concurrence des pays à bas coût ?
C'est un produit « grand public, et faire une annonce là-dessus parle à tout le monde », nuance auprès de l'AFP l'économiste Marie Coris, chercheuse à l'université de Bordeaux, appelant à « une profonde restructuration des chaînes de valeurs, qui nécessiterait un plan beaucoup plus large » plutôt qu'un éventuel « effet d'annonce ». « Un coup de pouce pour chaque médicament ne marchera pas, on ne pourra pas pallier la concurrence des pays à bas coût. »
En France, la dernière usine fabriquant de la poudre de paracétamol a été fermée en 2008 par le groupe Rhodia - en revanche, certaines usines fabriquent toujours dans l'Hexagone des médicaments au paracétamol, comme Sanofi à Compiègne ou Upsa à Agen.
À l’heure actuelle, entre 60 et 80 % des principes actifs - nécessaires à la fabrication des médicaments - sont fabriqués hors de l'Union Européenne, notamment en Inde et en Chine.
Or, « si vous avez des usines qui permettent de fournir le monde entier, vous faites des économies d'échelle formidables », et si ces usines sont situées en Chine ou en Inde, où les salaires sont moindres qu'en Europe, « vous faites des économies de coûts formidables », a synthétisé mercredi soir l'économiste spécialiste en politique industrielle Elie Cohen, sur Arte.
Relocaliser la production d'un médicament en France, autrefois place forte en la matière, nécessitera donc sans doute des aménagements. La fédération française des entreprises du médicament, le Leem, a d'ores et déjà plaidé pour que le « plan de relance industrielle » que doit rendre public Emmanuel Macron cet été aborde « les enjeux de compétitivité de la chaîne de valeur » d'une part, « les enjeux d'attractivité » d'autre part.
En outre, elle a relevé avec satisfaction « la volonté affirmée des ministres de développer cette approche dans une perspective européenne », seule échelle pertinente selon les spécialistes, aucun pays de l'UE ne pouvant produire à lui seul les milliers de médicaments nécessaires à sa population.
Une production polluante
« L'idée que nous défendons tous, en tant qu'acteurs indispensables de la chaîne de valeur, n'est pas de relocaliser l'intégralité des besoins, mais de favoriser les chaînes les plus critiques », avaient averti mercredi les entreprises françaises de la synthèse chimique (SICOS). Elles demandaient aussi la modernisation des sites existants « afin qu'ils soient en capacité de garantir cette sécurité d'approvisionnement et de soutenir le développement rapide de procédés innovants, compétitifs et moins impactants pour l'environnement ».
Car pourrait aussi se poser la question de l'impact environnemental de l'activité, la production du paracétamol relevant « de la chimie lourde et polluante », a rappelé Elie Cohen mercredi. Le SICOS a d'ailleurs pointé que la concurrence étrangère « n'est pas toujours soumise aux mêmes contraintes réglementaires (qualité, sécurité, environnement) » que les entreprises françaises.
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