LE QUOTIDIEN – Lors de la publication du rapport Debré-Even, vous vous êtes élevé contre ses conclusions et avez mis en cause la légitimité des auteurs. Pourquoi ?
JEAN-PIERRE DOOR – Parce qu’il s’agit d’un travail effectué par deux personnalités qui écrivent habituellement des livres et qui publient là un rapport pour lequel ils n’ont auditionné qu’une quinzaine de personnes. À titre de comparaison, la mission d’information de l’Assemblée va auditionner 80 intervenants minimum. Je mets en cause la légitimité de ce rapport tout simplement parce qu’il m’apparaît comme un écrit personnel. Ce travail est plus que léger, il est trop artificiel. Je ne sais pas quels seront les commentaires officiels de Xavier Bertrand et de Nicolas Sarkozy, mais j’interrogerai le ministre de la Santé. Car j’estime que ce rapport Debré-Even vient perturber le travail des missions parlementaires. Sont-elles encore légitimes ? J’attends la réponse du gouvernement. Des membres de la mission sont en tout cas fort troublés et feront part de ce trouble. Ils jugent que face à un drame qui nécessiterait beaucoup de sérénité et de travail pour restaurer la confiance, ce rapport nous fait rentrer dans une polémique dommageable.
Quels en sont les points que vous contestez le plus ?
Les auteurs ont sauté sur l’occasion d’un drame sanitaire pour sortir un catalogue où il y en a pour tout le monde. Chacun est critiqué, accusé, et les auteurs veulent des modifications qui constituent pour moi un retour à la case départ. Ils proposent la suppression des agences, le retour à l’Agence du Médicament, et ils émettent des critiques vis-à-vis de la Haute autorité de Santé (HAS). Je note aussi qu’ils jugent les experts majoritairement incompétents. Quand on connaît la qualité de certains experts, je m’étonne que l’on veuille ramener leur nombre à une cinquantaine. J’ai plutôt l’impression que l’idée est de fonctionnariser leur expertise, ce qui serait très grave. Enfin, les auteurs du rapport parlent de l’Agence européenne du médicament, mais si les membres des missions d’information parlementaires ont pu en auditionner certains décideurs, Messieurs Debré et Even n’en ont entendu aucun. Ils en parlent pourtant comme s’ils les connaissaient.
Les auditions auxquelles vous procédez dans le cadre de la mission d’information de l’Assemblée vous conduisent-elles d’ores et déjà à une autre approche des réformes à mener ?
Les choses se dessinent tout doucement. Nous avons des idées, mais il serait prématuré d’en parler. Il faut notamment que nous nous rapprochions de la mission sur la réforme des agences sanitaires (conduite par le député Yves Bur) pour nous aider mieux articuler ces structures et leurs missions. Car il est vrai qu’il y a beaucoup de commissions, beaucoup d’opacité dans certaines d’entre elles. On ne sait parfois plus qui y fait quoi et qui est qui. Il faut remettre tout ce petit monde à sa place et le rendre opérationnel.
Le rapport n’est pas tendre avec l’industrie pharmaceutique ni avec la presse médicale…
L’industrie pharmaceutique a probablement des défauts, mais aussi d’énormes qualités. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Certes, dans le drame du Mediator, au-delà du médicament lui-même, c’est la stratégie du laboratoire qui a été très particulière. Mais l’industrie est consciente qu’elle a des progrès à faire, ne la rejetons pas. Quant à la presse médicale, nous en avons aussi besoin. Elle rend compte de l’actualité des médecins, de l’actualité médicale et scientifique, des innovations, des congrès. Ses représentants ont d’ailleurs proposé, lors d’une audition au Sénat, la mise en place d’une sorte de charte éthique et déontologique, pour ne pas être accusés d’être à la solde des laboratoires. Il faudra aussi qu’il y ait une place dans cette presse pour des informations en provenance des autorités de tutelle, de façon à ce qu’elles puissent faire passer des messages. Ce qui est souhaitable, c’est de pouvoir informer le monde médical. Or, sans presse médicale, les médecins n’auraient plus d’autre alternative que de se tenir informés à travers la visite médicale. Il faut trouver l’équilibre entre tous ces éléments. Sans passer par un rouleau compresseur qui détruirait tout ça.
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