LE TIERS des patients hospitalisés dans les unités de gériatrie reçoivent des médicaments dont un ou plusieurs sont écrasés… Or, 42 % de ces médicaments ne devraient pas l’être (écrasés), leur forme galénique contre-indiquant cette opération : les principes actifs pourraient être libérés de façon accélérée, ou à l’inverse l’activité pharmacologique diminuée. Des effets sur la pharmacodynamie des molécules que l’on mesure mal.
Le recours fréquent à l’écrasement est l’une des principales surprises de l’enquête conduite par une équipe multidisciplinaire de pharmaciens, médecins et soignants sur deux jours et 683 patients des 23 unités de gériatrie du Centre hospitalier universitaire de Rouen.
À l’origine de ce travail original, dont les résultats sont publiés dans un prochain numéro de la « Revue de Médecine Interne », le nombre insolite d’infirmières rapportant des tendinites... usage immodéré du pilon aidant…
Des dysfonctionnements multiples.
Les troubles de la déglutition, puis les troubles psycho-comportementaux étaient les principaux motifs d’écrasement. Autres enseignements de l’étude, au-delà de l’écrasement malvenu (pour les formes à libération prolongée ou les comprimés gastro-résistants), les médicaments d’un même malade étaient écrasés ensemble près de trois fois sur quatre. Plus troublant encore, le matériel utilisé (un mortier essentiellement) était commun pour plusieurs patients (dans 60 % des cas), le dernier récupérant des parcelles des précédents… Les infirmières par ailleurs ne se protègent pas vis-à-vis des particules. « Le médicament une fois écrasé, non plus protégé, est recueilli dans un récipient intermédiaire (un bouchon en plastique dans 9 % des cas) avant d’être mélangé à un véhicule pour l’administration, celui-ci étant de pH et/ou de température variable… », note le Pr Doucet.
Des recommandations de bonnes pratiques.
« À l’évidence, les médecins ne s’inquiètent pas, quand ils prescrivent, de savoir si les médicaments à libération prolongée ou modifiée, multicouches, etc., peuvent être effectivement avalés… Les infirmières ne savent pas que tous les médicaments ne peuvent être écrasés… Et les pharmaciens sont rarement interrogés », regrette-t-il.
On peut depuis cette initiative trouver sur le site de l’Observatoire des Médicaments, des Dispositifs médicaux et de l’Innovation thérapeutique (OMEDIT)* la liste exhaustive des médicaments que l’on peut écraser et, si l’opération est impossible, les alternatives sûres. La HAS a pris le relais en intégrant dans les pages de son outil « de sécurisation et d’autoévaluation de l’administration du médicament » des informations spécifiques sur les médicaments écrasables et ceux qui ne le sont pas.
Les médecins sont donc invités à poser au patient et/ou à ses proches la question des modalités d’administration du médicament, si bien sûr celui-ci est indispensable… Puis à consulter la liste des médicaments non sécables et non broyables* ainsi que les solutés ad hoc, le Vidal, le pharmacien d’officine, s’il le faut téléphoner au laboratoire pharmaceutique. L’objectif étant de rechercher des alternatives galéniques, médicamenteuses ou non médicamenteuses. « A terme, les ordonnances devraient être d’ailleurs plus légères », observe et espère le Pr Doucet.
L’écrasement doit être réalisé par une infirmière qui s’est assurée de la faisabilité de la manipulation, s’est lavée les mains avant et après, utilise un “système écraseur-broyeur“ par patient, administre les médicaments un par un, immédiatement après l’écrasement, le matériel étant lavé à l’eau (et éventuellement au savon) après chaque opération. Le véhicule doit être neutre, de l’eau, voire gélifiée, possiblement aromatisée pour masquer le goût parfois désagréable du médicament écrasé.
* http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1170134/securisation-et-autoeval… (page 71)
OMEDIT de Haute-Normandie, www.omedit-hautenormandie.fr
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