Les discussions à propos du projet de loi de bioéthique, qui reprennent à l’aéssemblée, conduisent nos représentants parlementaires à se pencher sur la question de la médecine prédictive préténatale et particulièrement sur le dépistage de la trisomie 21 en cours de grossesse. Cette question est vaste et sérieuse car elle touche toutes les femmes enceintes, leur conjoint, et leurs enfants à naître. Ce débat pourrait être l’occasion de replacer la liberté de choix des femmes enceintes au centre du dispositif de dépistage. Nous souhaitons que l’objectif soit clairement de transformer ce dépistage presque systématique avec son information trop souvent inadéquate en un dépistage individuel et choisi.
Plusieurs travaux scientifiques montrent en effet que les enjeux du test de dépistage de la trisomie 21 sont encore trop souvent méconnus de celles qui s’y prêtent. Beaucoup ne comprennent pas qu’en cas de positivité, ce test pourra donner lieu à un prélèvement invasif de la grossesse qui n’est pas sans risque pour sa bonne évolution, et pourra conduire en cas de confirmation du diagnostic de trisomie 21 à la réalisation d’une interruption médicale de grossesse. Ce test est en apparence anodin, puisqu’il ne consiste qu’en la mesure échographique de la nuque de l’embryon âgé de 3 mois, couplée à une simple prise de sang maternelle. Il a pourtant des conséquences très souvent méconnues. Si les femmes n’ont pas conscience des enjeux de ce test, on est en droit de penser que leur choix de s’y prêter est loin d’être réellement éclairé. Leur autonomie décisionnelle est mise à mal par un manque d’information alors que les statistiques nationales nous indiquent qu’elles se prêtent massivement à ce dépistage.
L’importance de l’information.
Des amendements seront débattus en deuxième lecture pour renforcer l’autonomie des femmes enceintes face à ce dépistage. Ils réintroduisent l’importance première de l’information et la substitue à la proposition systématique des tests. Nous les soutenons. À l’inverse, nous sommes défavorables aux amendements visant à réintroduire la notion de « conditions médicales » nécessaires pour la prescription de ces examens. Ce sujet a été discuté en première lecture, adopté par les députés et retiré par les sénateurs. Il visait à rendre une certaine liberté au corps médical, qui se verrait ainsi octroyer le droit de juger de l’opportunité de la proposition de ces tests en fonction des « conditions médicales ». Mais la liberté des prescripteurs ne doit en rien prévaloir sur celle des femmes enceintes. De plus, la porte était ouverte à des directives administratives de nos tutelles. Certains collègues représentants nos instances professionnelles se sont également élevés contre cette proposition en indiquant dans leur argumentaire l’importance première de l’information. Revenons à cette notion d’information. La proposition de loi, par sa formulation issue du Sénat, voudrait contraindre les praticiens à la proposition systématique du test de dépistage de la trisomie 21. Il s’agit en réalité d’entériner une situation de fait qui n’avait jamais fait l’objet d’un débat public. En effet, devant le niveau d’information hétérogène des femmes, la proposition systématique, imposée par arrêté du ministre de la Santé en juin 2009, est le moyen de garantir une certaine égalité d’accès. L’intention était louable, néanmoins on ne peut pas se satisfaire d’une démarche où le droit à l’information et à l’autonomie décisionnelle des femmes enceintes est mis à mal. Si la proposition du test doit en théorie être accompagnée d’une information permettant une décision éclairée, la réalité des pratiques en est très éloignée.
Si un des amendements sur l’information est adopté, l’égalité d’accès sera respectée, et la société, par la loi dont elle se dotera, signifiera clairement sa préoccupation de la liberté de choix des femmes enceintes et des couples. Il s’agira de ne plus placer les femmes enceintes face à un choix qui se résumera à consentir ou à refuser, alors que ce dépistage devrait être une demande de la femme bien au fait de ses modalités et de la stratégie plus globale dans laquelle il s’intègre. Mettre l’accent sur l’information, c’est laisser la possibilité de ce dépistage à celles qui le souhaitent, sans que les autres ne se sentent contraintes. C’est l’opportunité d’informer sur l’intérêt de ce test, mais aussi sur ses écueils et les risques qui lui sont associés. En avoir conscience, c’est pouvoir, d’une façon peut-être imperceptible, changer le regard du corps médical, des femmes enceintes et de la société sur ce dépistage. Dans cette différence tient aussi la nature du regard que l’on pose sur l’anormalité et sur la liberté individuelle face à l’hégémonie du « normal ». Sous la formulation issue de la première lecture des assemblées, la proposition systématique du test comporte le risque de donner lieu à une information dont le seul but est de rechercher le consentement de la femme ; avec les modifications apportées par les amendements, une information adaptée à chacune est suscitée. On passe donc d’une pratique, vécue comme un dépistage systématique, à un dépistage individualisé.
À la mémoire de notre consœur et amie
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