POUR LE Dr PATRICK LEBLANC, gynécologue-obstétricien à Béziers et coordinateur du « Comité pour sauver la médecine prénatale » (CSMP), le développement des diagnostics prénatal et pré-implantatoire amène les praticiens à être moins dans la médecine de soin que « dans la traque du handicap », citant en exemple le dépistage quasi systématique de la trisomie 21. « L’enfant à venir est présumé coupable, il doit prouver sa normalité », dénonce ce médecin. Le Comité reproche notamment au législateur d’avoir incité les femmes enceintes à recourir au dépistage à travers une obligation d’information du médecin. Or le dépistage conduit les parents, dans 96 % des cas où le fœtus est diagnostiqué trisomique, à interrompre la grossesse.
Les techniques de diagnostic sur l’enfant à naître sont destinées à éviter des maladies incurables. Le diagnostic pré-implantatoire n’est autorisé qu’en cas d’antécédents familiaux connus. « Ça n’a rien à voir avec la volonté de sélectionner des gènes pour concevoir un enfant parfait », explique le Pr Pascal Pujol, référent, à Montpellier, pour les demandes de diagnostic pré-implantatoire. « Nous recevons souvent des familles confrontées à un drame, et nous voulons juste leur éviter un nouveau drame ». Les avortements médicaux sont strictement encadrés : à défaut d’une liste précise et explicite des maladies concernées, la loi indique qu’il doit s’agir d’une affection « incurable et d’une particulière gravité ».
Risques de dérives.
Cependant pour le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), les risques de dérives sont réels. « Le principe de précaution s’est glissé dans le domaine de l’obstétrique », et a conduit à une « sélection » des bébés à naître, relève-t-il. « Aujourd’hui, vu l’ampleur du dispositif mis en place pour détecter les cas de trisomie 21, un enfant trisomique est considéré comme une erreur médicale, car on ne l’a pas dépisté et on l’a laissé naître ! C’est très grave ». « On refuse l’eugénisme collectif, organisé, mais dans la pratique il y a un eugénisme individuel », analyse-t-il.
L’accélération des techniques d’analyses génétiques risque d’aggraver encore les motifs d’inquiétude. « On commence à trouver sur internet des tests, totalement illégaux bien sûr, qui vous promettent de dépister 400 maladies sur votre bébé, à partir de quelques gouttes de sang de la mère », explique le Pr Sicard. Ces tests, utilisables dans les premières semaines de la grossesse, pourraient conduire certaines femmes à stopper leur grossesse sans même avoir de certitude quant au risque réel encouru par le fœtus. Pour Didier Sicard, « il y aura forcément une sélection des enfants à naître. L’enfant jetable est à nos portes. C’est très préoccupant pour l’avenir ».
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