DANS LE DÉBAT sur l’euthanasie qui agite régulièrement la société, le Dr Régis Aubry, directeur de l’Observatoire national de la fin de vie créé en février dernier, n’hésite pas à prendre le contre-pied de ceux qui militent pour ou contre sa légalisation. « Nous avons un devoir de résistance » face à ceux qui voudraient résoudre la question de la fin de vie de manière simpliste, explique-t-il, tandis qu’un récent sondage (IFOP pour « Sud-Ouest Dimanche ») indique que 94 % des Français seraient favorables à une loi autorisant l’euthanasie. « Parce qu’elle se situe à la limite des savoirs, cette question complexe doit au contraire bénéficier d’une approche très rigoureuse », insiste le médecin en clôturant le premier séminaire de l’Observatoire, intitulé « Euthanasie et suicide assisté: état des connaissances et enjeux pour la recherche ». « Il y a vraiment urgence à développer la recherche en France », plaide le Dr Aubry, pour qui la recherche, la formation et les soins palliatifs sont indissociables d’une même démarche.
Trois pistes de réflexion.
Se saisissant « sans parti-pris » des enjeux sur l’aide active à mourir, l’équipe de l’Observatoire (composée de six personnes, juriste, infirmière, médecins, sociologues, documentaliste) a retenu trois pistes de réflexion. La première d’entre elles consiste à trouver les bons outils méthodologiques qui permettraient d’analyser les décisions médicales de fin de vie sur la base des certificats de décès. L’INED (Institut national de la démographie) effectue actuellement, avec l’Observatoire, une enquête sur la fin de vie en France (à partir de ces certificats) qui devrait apporter, l’année prochaine, des données objectives. Cette enquête, qui garantit l’anonymat du côté du médecin comme de celui du patient, s’intéresse notamment à la diffusion des soins palliatifs, au traitement de la douleur, à la nature des décisions médicales (non-instauration, poursuite, arrêt ou limitation de traitements, sédation, etc.), et aux conditions dans lesquelles sont prises ces décisions (collégialité, rôle de la personne de confiance, directives anticipées).
La deuxième piste de réflexion vise plutôt l’analyse des perceptions à la fois des personnels de santé et des usagers sur la question de l’euthanasie. Un programme de recherche mené dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur par l’INSERM, entre 2001 et 2006, montre que, pour les médecins, le niveau de proximité professionnelle avec les patients en fin de vie « était déterminant de leur position à l’égard de la légalisation de l’éuthanasie ». Ainsi, les médecins qui, dans le cadre de leur exercice professionnel, étaient souvent confrontés à des patients en phase terminale, se déclaraient « significativement moins favorables à une légalisation de l’euthanasie ». Ces résultats indiquent également que les médecins qui témoignaient d’une « conception large de l’euthanasie » (englobant, par exemple, la prescription d’une sédation en fin de vie) étaient « significativement plus en faveur d’une légalisation ».
Enfin, troisième piste: « comment mettre en évidence les facteurs associés aux demandes d’aide active à mourir ? ». Car pour le Dr Aubry, ce n’est pas la demande d’euthanasie qui pose question mais bien les réponses qui sont données. Et si l’on veut savoir comment accompagner cette « souffrance insupportable », mieux vaut la comprendre, estime Régis Aubry.
Propositions de loi.
Aussi intéressant soit-il, ce travail de fond qu’entend mener l’Observatoire pourrait toutefois se voir concurrencer par un changement législatif. Un débat sur l’aide active à mourir doit se tenir au Sénat en janvier prochain: les discussions devraient porter sur plusieurs propositions de loi, dont celle du socialiste Jean-Pierre Godefroy, qui prévoit, dans des conditions strictes, une assistance médicalisée pour mourir. De son côté, le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jean-Luc Romero, indique que ce débat « pourrait être l’occasion d’une énorme surprise ». Selon lui, la légalisation de l’euthanasie pourrait être une loi « pour tout le monde, car si vous êtes contre, jamais vous ne serez aidé, et si vous êtes pour, vous serez aidé ». En toute simplicité.
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