Crazy'App : l'outil de recherche de l'ICM pour approfondir et bousculer nos représentations sur la santé mentale

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Publié le 06/07/2016
Crazy'App

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Crédit photo : DR

Mieux comprendre les représentations que les Français ont des maladies mentales, tout en en améliorant les connaissances, tel est le pari de Crazy'App, un outil développé par une équipe de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM, La Pitié-Salpêtrière), en partenariat avec la fondation Philippe et Maria Halphen et la Cité des sciences, hôte de l'exposition « mental désordre ».

Crazy'App se présente comme une enquête destinée au grand public. L'internaute visionne sur cette plateforme Internet quatre courtes vidéos, où Irène, Jérôme K, Denis, et Marie-Aude se racontent face caméra. Puis il est questionné sur ce qu'il pense, à travers des questions ouvertes, comme « comment nommez-vous le problème de cette personne », ou plus fermées, appelant des réponses allant de « tout à fait » à « pas du tout » (Pensez-vous que ce problème peut avoir un impact sur la vie sociale, familiale, peut conduire à un suicide, pourriez-vous travailler ou déjeuner avec une telle personne, etc.). En guise de résultats, le répondant peut visionner la version longue des entretiens, et voir 4 interviews de psychiatres, avant de confronter ses propres représentations à celles des autres participants.

Sciences participatives

Conçu par les chercheurs Margot Morgiève (sociologie des sciences) et Karim N'Diaye (neurosciences), l'outil n'est pas un sondage classique. Les réponses nourrissent la recherche en santé mentale, encore trop peu attentive aux représentations et attitudes de la population générale à l'égard des troubles psychiques. « Il s'agit de comprendre ces représentations pour agir dessus », explique Margot Morgiève, soulignant leur effet sur la pratique, notamment en termes d'insertion sociale, d'accès aux soins, d'observance des traitements ou d'évolution clinique. « La catégorisation des troubles n'est pas un phénomène naturel mais s'inscrit dans un contexte historique, culturel, social », résume-t-elle. D'où l'importance de prendre en compte le patient et son expertise dans le cadre des sciences participatives ou dites citoyennes.

Les chercheurs ont l'ambition de lancer plusieurs vagues d'enquête, afin d'analyser l'évolution sur la durée des représentations, et d'exporter l'outil à l'étranger, en Suisse, mais aussi en Australie, où est implantée l'association Meetings for Minds, proche de la Fondation Philippe et Maria Halphen.

Empowerment

Au-delà du volet recherche, Crazy'App vise aussi à améliorer les connaissances des Français sur la santé mentale. « Les grandes campagnes d'information ne marchent absolument pas. Pour comprendre les malades et modifier ses représentations, l'expérimentiel, le fait de côtoyer et connaître une personne touchée par des troubles est capital », assure le Pr Luc Mallet, psychiatre (Paris-Est Créteil, ICM, FondaMental Suisse, Inserm).

Les témoignages diffusés dans le cadre de l'enquête – contrairement à de froides statistiques – doivent participer à « bousculer les cadres des représentations », poursuit le Pr Mallet. Puisqu'il ne sait pas d’emblée quelle peut être la pathologie dont souffre la personne, l'internaute est préservé de toute tendance à la stigmatisation et peut « réfléchir à la définition du normal et du pathologique », note le Pr Antoine Pelissolo (Henri-Mondor, FondaMental).

Entre les personnes qui souffrent de maladies graves au long cours (1 % de la population est atteint de schizophrénie, 1 à 2 % de troubles bipolaires, 4 à 5 millions de personnes souffrent de dépression sévère), ceux qui vivent un épisode de décompensation, ceux qui présentent un risque, et leurs proches, « la Santé mentale nous concerne tous », poursuit le Pr Pelissolo.

L'investissement nécessaire au développement de l'outil est estimé à 15 000 euros, ont précisé les chercheurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr