Quels sont les enjeux éthiques liés à l’utilisation médicale des données issues du génome personnel ?
Jean Claude Ameisen. Il y a les ambiguïtés de la notion de « médecine personnalisée ». La « médecine fondée sur des preuves » est fondée sur des statistiques. Une médecine dite personnalisée consiste donc à apparier, du mieux possible, certaines caractéristiques génétiques d’une personne à celles de différents groupes d’autres personnes présentant les mêmes caractéristiques. Et il y a d’autres effets de fragmentation : apparier le génome d’une personne à celui d’autres personnes, et le génome de sa tumeur à celui d’autres tumeurs... D’où un risque paradoxal de dépersonnalisation : cette médecine de précision risque d’oublier la personne si l’on ne fait pas l’effort d’y revenir. Il y a aussi un risque d’exclusion, car l’un des buts est de fragmenter des maladies fréquentes en différentes maladies plus rares. Cela posera des problèmes de développement de traitements, l’industrie pharmaceutique considérant qu’un traitement n’est pas rentable si le nombre de malades est trop réduit. En se focalisant sur le génome, on risque aussi de négliger les effets majeurs sur la santé des interactions permanentes entre la personne et ses environnements.
Comment cette masse énorme de données va-t-elle être mise au service du patient ?
Cette accumulation de données nécessitera de nouvelles modalités d’interprétation. A partir de certains seuils, « plus » devient différent. Il y a aussi les problèmes de confidentialité. Va-t-on centraliser toutes ces données ? Va-t-on les échanger par Internet ? Comment protéger la confidentialité du génome alors que sa séquence permet de remonter à l’identité de la personne ?
N’y a-t-il pas un décalage entre ce qu’on peut lire de ces données génétiques et ce qu’on peut interpréter ?
Le CCNE a abordé certains de ces problèmes dans un avis récent (avis 120). Faut-il tout lire et tout dire ? Faut-il s’interdire de dire, ou même de lire, ce qu’on ne peut interpréter ? En dehors du cas de la plupart des maladies monogéniques à pénétrance forte, les « prédictions » de maladies réalisables à partir de l’analyse du génome correspondent à des probabilités extrêmement faibles. En raison de notre fascination pour les gènes, nous attribuons à ces probabilités très faibles une signification très importante. Mais que signifie avoir 5% de risques de plus que la population générale de développer un cancer ou un diabète ? Il y a aujourd’hui un décalage croissant entre le « conseil génétique » (l’information utile, le droit de savoir et de ne pas savoir, le temps du dialogue, et la législation qui l’encadre), et les données que peut fournir le séquençage du génome. Plus les avancées techniques sont rapides, et plus nous avons besoin d’une réflexion de la société pour anticiper les problèmes au lieu de les subir.
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