« Il est temps que la psychiatrie sorte des rapports itératifs qui n’aboutissent à aucune action concrète », presse la Dr Jocelyne Viateau, co-présidente du comité scientifique de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), lors d’un colloque en novembre consacré à la recherche en psychiatrie.
L’Unafam a alerté la Haute Autorité de santé sur la nécessité d’avoir des guides de bonnes pratiques actualisés pour les troubles schizophréniques et bipolaires. La HAS a décidé d’en faire une priorité dans son prochain plan quinquennal Santé mentale et psychiatrie, dont le programme sera publié en janvier 2025. « Ni la HAS ni les sociétés savantes n’ont encore publié de recommandations sur la schizophrénie », avait reconnu son président le Pr Lionel Collet, en octobre.
Quelle méthode de travail pour des recos pertinentes ?
« La psychiatrie est un métier artisanal, où l’on va “fabriquer le costume” sur la personne elle-même, commente le Pr Pierre Vidailhet, président du Collège national pour la qualité des soins en psychiatrie. La façon de faire est variable d’une équipe à l’autre, mais même un artisan doit obéir aux règles du métier ». Ainsi, les guides de prise en charge permettent de fixer un état de l’art sur lequel tous les experts se mettent d’accord. « Parfois, les écarts de pratique sont difficiles à réduire, mais le but est a minima de donner un cadre pour réduire les variations d’un professionnel à un autre », estime le Pr Pierre-Michel Llorca, professeur de psychiatrie et chef de service au CHU de Clermont-Ferrand.
La psychiatrie est un métier artisanal, mais même un artisan doit obéir aux règles
Pr Pierre Vidailhet, président du Collège national pour la qualité des soins en psychiatrie
élaborer des recommandations suppose des éléments de consensus mais la littérature est complexe, parfois discordante et souvent non-représentative de l’ensemble des personnes. Au total, les essais à haut niveau de preuve représentent à peine 20 % des individus réellement concernés. Les femmes enceintes, les personnes souffrant de troubles addictifs ou d’autres comorbidités par exemple, sont exclues des essais cliniques, qui par ailleurs, ne prennent pas suffisamment en compte la complexité des prescriptions en vie réelle.
Une fois les recommandations écrites, « il y a un gros travail à faire pour les diffuser puis pour évaluer l’écart avec la pratique réelle », alerte le Pr Llorca, écart dont la compréhension indiquera s’il faut faire évoluer les recommandations ou accentuer la formation des médecins.
Coconstruire le projet de soin
« Les droits des patients seront au cœur de ces recommandations », a indiqué la HAS lors de ce colloque. Aujourd’hui, trop de pratiques traumatiques, de contrainte physique ou administrative subsistent, alerte le Pr Nicolas Franck, psychiatre, chef du pôle Centre rive gauche à l’hôpital Le Vinatier (Lyon). En 2022, 28 000 personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie ont été placées à l’isolement, et 8 000 ont été sujettes à la contention mécanique, selon l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Le psychiatre défend un paradigme de soins fondé sur la réhabilitation sociale qui devrait être un principe socle dans les travaux de la HAS.
« En psychiatrie, nous sommes trop paternalistes », proteste le Pr Franck. Il faut permettre aux patients de s’autodéterminer dans leur prise en charge et de définir leurs propres critères de bonne santé mentale, en fonction de ses besoins au quotidien et de ses objectifs de vie. Comme le rappelle le Pr Nicolas Franck, « si on impose des objectifs sans concertation, ceux qui ne rentrent pas dans le cadre se retrouvent exclus du soin ». La décision thérapeutique doit être partagée, et nécessite pour cela que le patient ait connaissance des bénéfices et des risques des traitements. « Laissons les personnes décider par elles-mêmes et s’engager volontairement dans les soins », exhorte le Pr Franck.
Le cas de la clozapine
Dans la schizophrénie résistante (20 à 30 % des cas), la clozapine n’est commencée en vie réelle qu’après cinq échecs de traitement (en moyenne cinq ans), alors qu’il est recommandé de la proposer après deux échecs de traitement.
En cause ? La surévaluation des risques. L’agranulocytose effraie les psychiatres alors qu’elle ne concerne que 1,2 % des usagers, sans issue fatale. Le risque est négligeable après deux ans et la surveillance peut s’alléger après dix-huit semaines. De plus, en se focalisant sur l’agranulocytose, les psychiatres négligent d’autres effets indésirables tout aussi importants : la constipation (risque d’occlusion intestinale) ou les troubles de la déglutition (risque d’infection respiratoire).
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