Le fait que l’ensemble de la population ait été mis dans la même situation de confinement a créé une sorte de destin commun. Cela suffira-t-il a faire (re)naitre le sentiment de partager une destinée commune ? Je crains que non. D’abord parce que la vie finie toujours par reprendre ses droits. Ensuite parce que tout le monde n’a pas vécu le confinement de la même manière. Enfin, parce que l’humain dans sa singularité ne peut être approché comme « un tout uniforme ». Le contexte individuel, la situation familiale, l’environnement, la personnalité, les aspirations ou encore les valeurs de chacun sont autant de facteurs impactant la façon d’appréhender la vie et de s’adapter à ce à quoi elle nous confronte.
D’ailleurs, la période de confinement a pointé un ensemble de différences en termes d’attitudes face à cette situation. Par exemple, entre ceux qui étaient tenus de poursuivre leur activité professionnelle – et qui ne le souhaitaient pas forcément – et ceux qui au contraire étaient contraints au confinement – alimenté par un sentiment d’impuissance.
L’humain est un être complexe, généralement tiraillé entre deux mouvements contraires opposant « altruisme » et « égoïsme ». Mais tenter de « normer » la nature humaine est une hérésie car notre rapport au monde et aux autres, nos modes de pensées et de réactions ou encore nos capacités d’adaptation dépendent de notre propre singularité. Cela étant, l’humanité à besoin de sens. Alors elle cherche, elle émet des hypothèses – ou plutôt des croyances – souvent envisagées comme des convictions…Et nous voici face à tant de monde qui semblent détenir « la vérité ».
La politisation des rapports humains – lui-même en partie induit par un phénomène de psychologisation de la société – contribue certainement à dénaturer les liens et à s’extraire du bon sens. Sans doute que la peur et l’égo plus ou moins mal placés alimentent cette absence de « bon sens ». Peur de ne pas contenter sous couvert de « vouloir bien faire » ou peur de dire sous couvert de « chercher à préserver ».
Par ailleurs, le phénomène d’ « héroïsation » des acteurs de « premières - deuxième - troisième » ligne n’est-il pas à l’image d’une scène de théâtre sous les projecteurs ? Que se passera-t-il lorsque la lumière s’éteindra ? Je retiens cette phrase d’un ami « médiatisé » : « L’interview est annulée par la chaine TV car le nombre de morts dans les Ehpad a diminué aujourd’hui. »
Si les hommes ont effectivement besoin de sens, il semble que l’humanité est en perte de « bon sens ». Bien sûr, l’après-confinement constituera un « moment opportun » pour faire bouger quelques lignes et sans doute que toutes les « bonnes volontés » œuvreront à leurs manières en faveur d’une cause plus ou moins noble. Mais les querelles oubliées, les rancunes mises sous le boisseau, les intérêts divergents, émergeront à nouveau. On en voudra aux « planqués » ou aux « privilégiés ». Ainsi va la nature humaine et ainsi va la vie. Si la crise du Covid-19 permettait « moins de jugement » et un peu « plus d’humilité », alors peut-être en sortirons-nous collectivement grandi.
Voir notre article écrit lors de la parution de son livre en octobre dernier.
* docteur en psychologie, laboratoire de psychopathologie et neuropsychologie, université Paris VIII.
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