Faut-il parler de divorce ou simplement de séparation de corps entre Emmanuel Macron et les médecins ? Certes, le calendrier du déconfinement a irrité les soignants. La FHF pointe ainsi la précipitation du gouvernement alors que les chiffres de contamination sont encore élevés. Quant au think tank Terra Nova, il appelle à un changement de stratégie. Mais après un an de pandémie, la désespérance a remplacé la colère. Flottent dans les mots une réelle détresse chez les professionnels de la réanimation. Les discours ne sont pas même revendicatifs. Les soldats de la première ligne menacent plutôt de déserter. Les reportages dans les médias grand public se multiplient. Et pourtant, aucun élan se ne produit. Après les avoir fêtés au balcon en 2021, on préfère ne pas voir sous le masque en 2021 leur solitude. Plus étrange, on accuse même certains hospitaliers de tous les maux à l’origine d’une dictature sanitaire. Comment en est-on arrivé là en dépit des avancées du Ségur de la Santé ? Il y a le feu. Faut-il appeler les pompiers ? ou les psychiatres ? c’est le psychiatre américain Herbert J. Freundenberger qui le premier a inventé le concept de burn out dans les années soixante-dix en observant son propre état d’épuisement dans la prise en charge des patients toxicomanes.
La réponse bien sûr ne sera pas médicale mais politique. Comment mettre en œuvre par exemple une politique de solidarité qui ne reposerait pas seulement sur une hausse des rémunérations ? La solidarité, comme la confiance ne se décrètent pas. Mais à un an de la présidentielle, le politique en vérité ne peut divorcer de ceux qui prodiguent le soin. Il doit en revanche répondre à la lassitude de la population, au désir de liberté, à l’envie de sociabilité autrement qu’en abandonnant l’hôpital à son triste sort, isolé dans la cité, nouvelle espèce de léproserie en plein XXe siècle.
En 2012, dans un petit livre*, le philosophe Frédéric Worms appelait à renouer le lien entre soin et politique afin « de redonner tous leurs sens aux différentes tâches de la politique aujourd’hui ». Et de rappeler l’invitation de Jean-Jacques Rousseau à ne jamais séparer la morale de la politique « [ …] ceux qui voudront [les] traiter séparément n’entendront jamais rien à aucune des deux ». Aux déplorations actuelles sur le duel qui s’annonce l’année prochaine, l’appel est-il naïf ou simplement lucide ?
* Soin et politique, Frédéric Worms, éditions PUF.
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