Tribune Jean-Pierre Blum

Plus de 700 millions de personnes sont des hypertendus qui s’ignorent. De mauvais augure.

Publié le 09/09/2021
On compte aujourd’hui 1,28 milliard de personnes hypertendues, soit deux fois plus qu’en 1990.

Selon la première analyse mondiale complète de l’évolution de la prévalence, de la détection, du traitement et de l’équilibre de l’hypertension, menée par l’Imperial College London et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), publiée cette semaine dans la revue The Lancet, le nombre d’adultes âgés de 30 à 79 ans hypertendus est passé de 650 millions à 1,28 milliard au cours des trente dernières années. Près de la moitié de ces personnes ignoraient qu’elles étaient hypertendues.

L’hypertension fait augmenter considérablement le risque de cardiopathie et d’affection cérébrale ou rénale, et est l’une des principales causes de mortalité et de morbidité dans le monde. Elle peut être facilement détectée par la mesure de la tension artérielle, au domicile ou dans un centre de santé, et peut souvent être traitée efficacement à l’aide de médicaments peu coûteux.

L’étude, menée par un réseau mondial de médecins et de chercheurs, couvrait la période 1990-2019. Elle est basée sur des données de mesure et de traitement de la tension artérielle de plus de 100 millions de personnes âgées de 30 à 79 ans dans 184 pays représentant 99 % de la population mondiale, ce qui en fait l’étude la plus complète de l’évolution mondiale de l’hypertension à ce jour.

Il ressort de l’analyse de cette énorme quantité de données que le taux global d’hypertension dans le monde avait peu varié de 1990 à 2019, mais que la charge était passée des pays riches aux pays à revenu faible ou intermédiaire. Le taux d’hypertension a diminué dans les pays riches – où il est aujourd’hui généralement parmi les plus bas – mais a augmenté dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire.

Ainsi, c’est au Canada, au Pérou et en Suisse que l’on a constaté les taux de prévalence de l’hypertension les plus bas au monde en 2019, tandis que la République dominicaine, la Jamaïque et le Paraguay, pour les femmes, et la Hongrie, le Paraguay et la Pologne, pour les hommes, affichaient quelques-uns des taux les plus élevés.

Le nombre de personnes hypertendues a doublé depuis 1990, pour atteindre 1,28 milliard, mais il y a eu peu de variation en pourcentage. Ceci s’explique principalement par la croissance démographique et le vieillissement de la population. En 2019, plus d’un milliard de personnes hypertendues (soit 82 % des hypertendus dans le monde) vivaient dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.

D’importantes lacunes dans le diagnostic et le traitement

Bien que l’hypertension soit facile à diagnostiquer et relativement simple à traiter à l’aide de médicaments peu coûteux, l’étude a mis en lumière des lacunes importantes dans le diagnostic et le traitement. Environ 580 millions de personnes hypertendues (41 % des femmes et 51 % des hommes) ignoraient leur état car elles n’avaient jamais bénéficié d’un diagnostic.

L’étude a également montré que plus de la moitié des hypertendus (53 % des femmes et 62 % des hommes), soit 720 millions de personnes au total, ne recevaient pas le traitement dont ils avaient besoin. La tension artérielle était équilibrée, c’est-à-dire que les médicaments permettaient de ramener la tension artérielle à des valeurs normales, chez moins de 1 femme sur 4 et 1 homme sur 5 présentant une hypertension.

Le Pr Majid Ezzati, auteur principal de l’étude et professeur spécialiste de la santé environnementale mondiale à la School of Public Health de l’Imperial College London, a déclaré : « Alors qu’un traitement de l’hypertension, trouble facile à diagnostiquer et à traiter à l’aide de médicaments peu coûteux, existe depuis cinquante ans, le fait que tant de personnes hypertendues dans le monde ne bénéficient toujours pas du traitement dont elles ont besoin est un échec de la santé publique»

C’est au Canada, en Islande et en République de Corée, où plus de 70 % des personnes hypertendues avaient reçu un traitement en 2019, que ceux qui en avaient besoin - hommes et femmes - avaient le plus de chances de recevoir un traitement efficace. Comparativement, les hommes et les femmes en Afrique subsaharienne, en Asie centrale, du Sud et du Sud-Est et dans les pays insulaires du Pacifique sont ceux qui ont le moins de chances de bénéficier d’un traitement. Dans un certain nombre de pays de ces régions, les taux de traitement étaient inférieurs à 25 % pour les femmes et à 20 % pour les hommes, ce qui engendrait d’énormes inégalités au niveau mondial.

Il est encourageant de constater que certains pays à revenu intermédiaire ont réussi à étendre le traitement et atteignent maintenant de meilleurs taux de traitement et d’équilibre de l’hypertension que la plupart des pays à revenu élevé. Par exemple, le Costa Rica et le Kazakhstan ont maintenant des taux de traitement supérieurs à ceux constatés dans la plupart des pays à revenu plus élevé.

Selon le Dr Bin Zhou, chercheur à l’École de santé publique de l’Imperial College London, qui a dirigé l’analyse : « Bien que les taux de traitement et d’équilibre de l’hypertension se soient améliorés dans la plupart des pays depuis 1990, la situation a peu évolué dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne et des pays insulaires du Pacifique. Les bailleurs de fonds internationaux et les gouvernements nationaux doivent accorder la priorité à l’équité mondiale en matière de traitement concernant ce risque majeur pour la santé dans le monde. »

Nouvelles lignes directrices de l’OMS pour le traitement de l’hypertension.

Les lignes directrices de l’OMS pour le traitement pharmacologique de l’hypertension chez l’adulte publiées aujourd’hui proposent de nouvelles recommandations pour aider les pays à améliorer la prise en charge de l’hypertension.

La Dr Taskeen Khan, du département maladies non transmissibles de l’OMS, a déclaré : « Les nouvelles lignes directrices mondiales sur le traitement de l’hypertension, les premières depuis vingt ans, sont les orientations fondées sur des bases factuelles les plus récentes et les plus pertinentes concernant l’instauration d’un traitement de l’hypertension chez l’adulte»

Ces recommandations portent sur le niveau de tension artérielle à partir duquel il faut instaurer un traitement médicamenteux, le type de médicament ou l’association de médicaments à utiliser, le niveau de tension artérielle cible et la fréquence du contrôle de la tension artérielle dans le cadre du suivi. En outre, les lignes directrices exposent comment les médecins et les autres soignants peuvent contribuer à améliorer la détection et la prise en charge de l’hypertension.

La Dr Bente Mikkelsen, directrice du département maladies non transmissibles de l’OMS, a ajouté : « On ne saurait trop insister sur la nécessité de mieux prendre en charge l’hypertension. En suivant les recommandations figurant dans ces nouvelles lignes directrices, en élargissant et en améliorant l’accès aux médicaments antihypertenseurs, en détectant et en traitant les comorbidités telles que le diabète et les cardiopathies préexistantes, en favorisant une alimentation plus saine et la pratique régulière d’une activité physique et en montant une lutte antitabac plus stricte, les pays seront en mesure de sauver des vies et de réduire les dépenses de santé publique. »


Source : lequotidiendumedecin.fr