Influenza aviaire hautement pathogène : face à la menace grandissante, le Covars appelle au déploiement rapide de la vaccination

Publié le 12/06/2023
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Crédit photo : AFP

Le risque d'épidémie d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) est « hautement prégnant », selon le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), qui invite les pouvoirs publics à prendre des mesures de prévention énergiques, à commencer par une ambitieuse campagne de vaccination humaine et animale, peut-on lire dans le dernier avis publié ce lundi 12 juin à la suite d'une autosaisine.

Entre 2021 et 2022, une épizootie d’IAHP a causé une grave crise dans la filière avicole et nécessité l'abattage préventif de plus de 21 millions de volailles, rien qu'en France où les pertes économiques en 2022 ont été chiffrées à plus d’un milliard d’euros. Depuis mars 2023, mois au cours duquel le ministère de l’Agriculture a abaissé le niveau de risque « d’élevé » à « modéré », de nouveaux foyers sont apparus dans les élevages du Sud-Ouest. Pour sa part, l'OMS juge la situation toujours « préoccupante », notamment à la suite de la mort d'un enfant des suites du H5N1 au Cambodge.

Une stratégie de vaccination pour le mois de juin

Le Covars insiste sur l'importance de la mise en place d'une stratégie de vaccination des élevages. En cours d'élaboration depuis un an, la publication de cette dernière devrait intervenir en juin 2023.

Un appel d'offres a été lancé pour une fabrication des vaccins vétérinaires en octobre, et deux candidats ont été retenus : un mis au point par Boehringer Ingelheim, un autre par le laboratoire Ceva.

La vaccination contre la grippe saisonnière des éleveurs et professionnels des filières avicoles est recommandée afin de limiter le risque de recombinaison entre virus aviaires et humains. Le Covars recommande de l'étendre à toutes les personnes exposées, en contact avec des oiseaux potentiellement porteurs du virus.

Des premiers cas de passage vers des mammifères

Depuis deux ans, un clade en particulier attire toute l'attention : le clade 2.3.4.4b. « Nous avons déjà documenté une transmission de ce virus vers un ours, un chat, ainsi que des transmissions entre visons d'un même élevage », liste Thierry Lefrançois, chercheur au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et spécialise en santé animale au sein du Covars.

Avec le réchauffement climatique et la crise de la biodiversité, les routes de migration ont considérablement évolué. Les espèces d'oiseaux migrent plus loin vers le nord en été et restent plus longtemps. Les virus circulent donc de façon plus étendue et durable dans l'environnement, comme ont pu le confirmer les relevés d'ADN dans l'environnement, ce qui fait aussi craindre un risque augmenté de résistance aux traitements ou aux éventuels vaccins.

« Pour les éleveurs, il n'y a plus de moment de répit entre les périodes d'abattage et de mise à l'abri, constate Patrick Giraudoux professeur d'écologie à l'université de Franche-Comté. Il faut intégrer ces changements dans notre surveillance et surveiller davantage les élevages de porcs et de carnivores à très haut risque, car à côté de ceux de volailles. De même, nous devons questionner l'impact environnemental des élevages intensifs. »

Une menace qui ne peut être éradiquée

« De par sa présence dans une grande variété de réservoirs, il est scientifiquement admis que l'IAHP ne peut pas être éradiqué, explique Thierry Lefrançois. En outre, sa transmission rapide entre oiseaux cause une mortalité forte dans l’avifaune sauvage et accroît le risque d’endémisation. »

Le Covars préconise de renforcer les systèmes de surveillance actuels : le réseau Sagir chargé de la veille sur les animaux sauvages ainsi que la surveillance des élevages et la détection de cas selon les recommandations de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).

« Les mesures sont inégalement suivies par les éleveurs et génèrent pour certains des difficultés socio-économiques devant être prises en compte par les pouvoirs publics », peut-on lire dans l'avis. La surveillance humaine est pour le moment focalisée uniquement sur les personnes présentant des symptômes, mais le protocole Saga visant à la mise en place d'une surveillance active chez les professionnels exposés (éleveurs, intervenants, vétérinaires) est en cours d’élaboration par Santé publique France, le Centre national de référence (CNR) grippe et l’Anses.

Objectif : ne pas dépasser le niveau de risque actuel

Considérant que des émergences de cas humains d'IAHP semblent inévitables, les experts du Covars proposent un certain nombre de mesures pour préparer les futures crises : constituer et diversifier des stocks d’antiviraux efficaces et adaptés aux situations d’urgence de grippe aviaire, composer des stocks stratégiques de vaccins prépandémiques et créer une cellule de crise multidisciplinaire rapidement mobilisable.

« Le H5N1 et les influenza aviaires en général sont en train de s'endémiser en France, affirme le Pr Bruno Lina, virologue responsable du CNR des influenza de Lyon. Cela augmente le risque de transmission et de multiplication chez les mammifères. » À partir de là, quatre scénarios sont possibles, du plus favorable au pire : diminution du niveau de risque ; maintien du niveau de risque actuel ; augmentation de la transmission interespèces ; apparition de chaînes de transmission interhumaine. Le premier scénario est peu vraisemblable selon le Covars, dont les recommandations visent à rester dans les clous du second. 

L'acceptation de la vaccination pose déjà problème : la Confédération paysanne a déjà fait savoir refuser que ses membres soient contraints de vacciner leurs animaux d'élevage, estimant que le risque est le fait de l'élevage intensif.


Source : lequotidiendumedecin.fr