Comme l’avait affirmé au Généraliste début septembre Michaël Rochoy, médecin de famille à Outreau (Pas-de-Calais) et membre du collectif Stop-Postillons, le port obligatoire du masque à l’école dès l’âge de six ans a fini par s'imposer. Mais la mise en place de cette mesure intervient bien trop tard selon lui. L’omnipraticien craint qu’elle ne soit plus suffisante. Entretien.
Le Généraliste : Le port du masque à l’école dès l'âge de 6 ans est devenu obligatoire. Vous qui avez lutté depuis plusieurs mois pour que cette mesure soit mise en place, estimez-vous que cela est trop tard ? Ou vous dites-vous « mieux vaut tard que jamais » ?
Dr Michaël Rochoy : Les deux. C’est effectivement trop tard. Mais cela reste mieux que de ne pas l’avoir fait. Il y a plein d’arguments en faveur du port du masque chez les enfants, j’en ai fait un « thread » (voir ci-dessous, à dérouler) sur Twitter juste avant les annonces du président. Il y a encore des études qui sortent chaque jour sur ce sujet. Même la Société française de pédiatrie dit désormais que c’est une bonne chose (voir l’encadré).
Il paraît que @EmmanuelMacron est si fort et flexible qu’il adapte son discours jusqu’à la dernière seconde.
— Michaël (@mimiryudo) October 28, 2020
Les bruits de couloir sont « rien pour l’école primaire ».
Alors donnons-lui l’occasion de montrer son intelligence. [THREAD]
Le port du masque à l’école a-t-il encore une utilité actuellement ?
Dr M.R. : Oui ! Cela a une utilité dans tous les cas. Mais la principale utilité aurait été de diminuer le nombre de clusters, d’aplatir la courbe et peut-être d’éviter un confinement. Une étude publiée dans Cell ce matin s’est intéressée aux anticorps des enfants. Elle estime que les enfants sont six fois plus touchés que les chiffres qu’on retrouve jusqu’ici. Cela montre bien que les chiffres concernant les enfants étaient faussement rassurants. Cela s’explique car ils sont souvent asymptomatiques et parce qu’on a tendance à ne pas les dépister car on a des réticences à leur mettre des bâtonnets au fond du nez.
Il est facile de refaire l’histoire a posteriori. Mais selon vous, aurait-on pu éviter ce second confinement si la mesure avait été mise en place dès la rentrée scolaire ?
Dr M.R. : Je n’en sais rien. Cela n’aurait en tout cas pas pu être pire. C’est une mesure barrière, donc ça aurait forcément été mieux. De là à dire que cela aurait forcément évité le confinement… Je ne m’avancerai pas jusque-là. Mais cela aurait au minimum diminué le nombre d’hospitalisations, de réanimations, de décès… Et peut-être que cela aurait permis de confiner la population dans une situation moins critique.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez été finalement entendu ?
Dr M.R. : Cela fait deux mois qu’on le radote donc ça a fini par rentrer. Nous nous sommes agacés des positions de la Société française de pédiatrie et des non-décisions du gouvernement. Et en parallèle, l’augmentation du nombre de cas a confirmé ce que nous disions, cela a joué en notre faveur. Pendant très longtemps, on a écouté ceux qu’on appelle les « rassuristes ». Ils disaient qu’il n’y aurait pas de seconde vague, que les enfants n’étaient pas malades et qu’ils n’avaient donc pas besoin de porter de masque. À partir du moment où il y a une deuxième vague et que le nombre d’enfants malades a fortement augmenté, les gens ont pu se rendre compte qu’on avait raison.
Que reste-t-il à faire à l'école ?
Dr M.R. : Il faudrait que la rentrée des vacances de Toussaint soit décalée. Mais il est trop tard. Nous l’avons demandé mais cela n’a pas été retenu. Une étude parue récemment dans le Lancet montre que ce qui a le plus participé à la reprise de l’épidémie est la réouverture des écoles. A priori, le gouvernement n’envisage que de décaler d’une journée la rentrée. Ils veulent laisser les écoles ouvertes pour le moment et peut-être les fermer plus tard. Ce n’est pas logique : il faudrait fermer les écoles pour pouvoir les rouvrir quand ce sera possible. Car en dehors du masque, rien n’a changé : il n’y a pas de distanciation et pas grand-chose de prévu pour les cantines… Tout le reste des mesures sont à appliquer « dans la mesure du possible » : ce ne sera donc pas fait, en pratique.
Du fait des vacances, il devrait y avoir un creux de la mortalité dans environ deux semaines, car la mortalité du Covid est décalée de trois semaines. Mais cela reprendra ensuite car on aura remélangé les enfants avec relativement peu de précautions. Le masque c’est très bien, encore une fois. Mais il faut plutôt le voir comme une méthode de prévention. Une fois qu’on est dans la galère absolue, il est trop tard pour utiliser les méthodes de prévention. Il vaut mieux se vacciner contre le tétanos avant plutôt qu’après l’avoir contracté ! Sur un plan purement sanitaire, il faudrait donc tout fermer pour faire décroître le taux de réplication du Covid-19 au maximum.
La Société française de pédiatrie change de discours
Alors qu’elle soulignait que le Covid-19 ne concernait que très rarement les enfants, la Société française de pédiatrie (SFP) avait appelé à ne pas pénaliser les enfants par une surenchère de mesures injustifiées au moment de la rentrée scolaire. « Le Covid-19 n’est pas une maladie pédiatrique », avait notamment souligné le Pr Christèle Gras-Le Guen, secrétaire générale de la SFP.
Un discours qui a depuis radicalement changé. « C'était la bonne idée, qui nous paraissait absolument indispensable, à la lumière de ce qu'on avait vécu pour le premier confinement et des effets secondaires qui avaient pu être observés », a ainsi affirmé le Pr Gras-Le Guen auprès de France Info au sujet du port du masque obligatoire à l’école dès six ans. « Ils sauront porter ce masque comme on leur demande », estime également la secrétaire générale de la Société française de pédiatrie.
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