La stratégie décennale soins palliatifs devait être dévoilée ce mois de décembre. Faute de cela, le rapport de préfiguration coordonné par l'instance de réflexion présidée par le Pr Franck Chauvin a été rendu public ce 9 décembre, par la ministre déléguée aux Professions de santé Agnès Firmin le Bodo, qui a par ailleurs précisé le calendrier des travaux.
Le plan décennal sera ainsi publié en janvier, puis le projet de loi sur le modèle français de la fin de vie, promesse d'Emmanuel Macron initialement attendue avant la fin de l'été 2023, sera présenté courant février 2024. Il devrait intégrer certains éléments de la stratégie décennale relevant de la loi, a précisé Agnès Firmin le Bodo. Et de justifier ainsi ce changement de calendrier : « Il a fallu approfondir la stratégie des soins d'accompagnement, plus encore que nous ne l'avions imaginé, ce qui a conduit à desserrer le calendrier », a-t-elle déclaré dans un entretien au Figaro.
L'ambition de la stratégie nationale est de redessiner le modèle des soins palliatifs afin qu'ils s'appliquent dès l'annonce de la maladie et ne soient plus limités aux derniers moments de la vie. « Toute personne en fin de vie (et son entourage) doit bénéficier de soins d’accompagnement quel que soit son lieu de vie. La stratégie décennale propose de consacrer dans la loi une conception large des soins d’accompagnement regroupant les soins palliatifs, la prise en charge de la douleur dans le cadre de ces soins et l’accompagnement de la fin de vie », lit-on. « Ce changement radical nécessite à la fois une adaptation du système sanitaire et médico-social et une modification des pratiques soignantes et des relations soigné-soignant reposant sur l’anticipation. »
Concrètement, le rapport propose 15 mesures destinées à améliorer l'accès à des soins d'accompagnement à tous, de manière anticipée, avec une meilleure formation des professionnels.
Plans personnalisés et maisons d'accompagnement
Il est ainsi proposé de mettre en place des plans personnalisés de soins d'accompagnement, pour que les personnes malades puissent exprimer au plus tôt leurs préférences pour leur prise en charge globale (y compris psychologique et médico-sociale) et élaborer leurs directives anticipées. Dans cinq ans, 500 000 consultations doivent avoir donné lieu à de tels plans, puis à 10 ans, ce sont toutes les personnes affectées par une pathologie à un haut degré de prévisibilité et celles pour lesquelles les chances de rémission sont élevées qui devront se voir proposer un tel dispositif. Dans ce cadre, les technologies innovantes devraient renforcer le maintien à domicile.
La stratégie décennale propose la mise en place de maisons d’accompagnement : 20, en 2025, 30 en 2026, 50 en 2027, pour atteindre une centaine en 2034 sur l'ensemble du territoire, dont certaines pour des enfants et adolescents. Ces structures de 12 à 15 lits, hybrides entre le sanitaire et le secteur médico-social, ont vocation à être un lieu d'hébergement pour des patients en fin de vie dont l’état médical est stabilisé mais que le besoin de soins techniques empêche de revenir à domicile, en même temps qu'un lieu de répit pour les aidants. « Ce sont avant tout des lieux d’accueil, où la place de l’écoute et du bien-être est aussi importante que celle du soin, ouverts sur l’extérieur », lit-on.
Autre proposition : déployer d'ici à cinq ans 115 équipes mobiles de soins d'accompagnement (UMSA, pour « unités ») et de prise en charge de la douleur sur le territoire, rattachées aux maisons d'accompagnement et non plus à l'hôpital. D'ici à 10 ans, elles devront être 330 équipes supplémentaires, chacune composée d'un médecin, d’une infirmière et d’un psychologue.
Reconnaissance universitaire
La mission présidée par le Pr Franck Chauvin, directeur de l’Institut de prévention et de santé globale (Saint-Étienne), recommande de mettre en place une spécialité universitaire de soins d’accompagnement interdisciplinaire à travers la création d'au moins un poste universitaire par faculté d'ici à cinq ans et le financement d'au moins un poste de chef de clinique dans chaque CHU. À dix ans, « sera considérée la création d’un diplôme d’études spécialisées (DES) et d’une section propre intitulée "médecine d’accompagnement" au sein du conseil national des universités (CNU) », est-il noté, afin de renforcer l'attractivité de ces pratiques et la formation des soignants.
Par ailleurs, un module de formation initiale sur les soins d'accompagnement devrait être dispensé à l'ensemble des étudiants en santé, tandis que des enseignements plus spécifiques, avec notamment une réflexion éthique, le seront aux spécialités concernées par ces questions.
Enfin, en termes de recherche, un programme interdisciplinaire définissant des orientations stratégiques et un budget associé devraient accompagner la stratégie décennale, avec l’objectif de faire émerger à 10 ans trois équipes de recherche médicale (Inserm) ou de sciences humaines et sociales (CNRS) de niveau international.
La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a salué les grandes intentions de ce document, tout en demandant que le gouvernement s'engage « fermement sur un budget précis, pluriannuel et adapté à l’évolution démographique du pays ». Et de rappeler son opposition à toute perspective d'aide à mourir. À front renversé, des membres de la convention citoyenne sur la fin de vie, rassemblée dans l'association Les 184, publient une lettre ouverte au président Macron dans laquelle ils expriment leurs inquiétudes sur l'avenir de leurs recommandations - en particulier une aide active à mourir. « Monsieur le Président, votre avis sur les soins palliatifs et l’aide active à mourir est important mais ne saurait être l’unique boussole en la matière, de même que l’opposition de certaines organisations », écrivent-ils.
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