Ce n’est pas un vrai oui mais c’est un pas de plus vers un dépistage organisé du cancer bronchopulmonaire (CBP) en France. Ce mardi 1er février, la Haute Autorité de santé (HAS) publie des recommandations qui plaident pour la mise en place d’un programme pilote « avant d’envisager le déploiement d’un programme de dépistage organisé à large échelle ».
5 vies sauvées pour 1 000 personnes dépistées
En 2016, la HAS s’était déjà prononcée sur le sujet, considérant à l’époque que « les conditions de mise en œuvre du dépistage du CBP (…), n’étaient pas réunies ». Mais « de nouvelles publications amènent à s’interroger de nouveau sur la pertinence d’un tel dépistage ».
Alors que les tumeurs bronchopulmonaires restent la première cause de décès par cancer, les méta-analyses et la revue systématique des principaux essais publiées depuis, montrent, « avec un niveau de preuve élevé », que le dépistage par scanner faible dose (TDMfd) chez les personnes fortement exposées au tabac diminue la mortalité spécifique. Ainsi, « avec la mise en place d'un dépistage systématique, on pourrait observer une diminution significative de la mortalité spécifique de ce cancer, de l'ordre de 5 vies sauvées pour 1 000 personnes dépistées (en fonction des modalités de dépistage) », chiffre la HAS.
Les données récentes montrent également que le dépistage réduit le taux de cancers dépistés à un stade avancé. « Un résultat intéressant dans le cas du cancer du poumon dont le pronostic est d'autant plus sombre qu'il est détecté à un stade tardif », souligne la HAS. L’impact sur le taux de cancers dépistés à un stade précoce reste à confirmer.
En revanche, aucun bénéfice ne ressort en termes de mortalité totale. « Toutefois, ce critère de jugement est peu pertinent du fait de l’interférence sur la mortalité de l’âge et du tabagisme chronique (et de la nécessité d’avoir un suivi à très long terme sur une importante cohorte) ».
Au total, « le dépistage du CBP par scanner faible dose a démontré une diminution de la mortalité spécifique et du taux de détection des cancers à un stade avancé avec un niveau de preuve élevé, ce qui est en faveur de la mise en place du dépistage », résume la HAS.
Un risque de surdiagnostic à préciser
Cependant, « il reste des critères de jugement non ou insuffisamment évalués par manque de données ou résultats divergents comme la VPP, les sensibilité et spécificité du test, etc. », tempère l’institution.
Par ailleurs, les méta-analyses retrouvent avec un niveau de preuve « modéré », une augmentation significative du surdiagnostic avec le dépistage par TDMfd et un taux faux positif ayant conduit à des examens diagnostiques invasifs de 0,1 % à 1,5 % avec un taux de complications lié à ces examens complémentaires de 0,1 % à 1,3 %. « Cette augmentation du risque de surdiagnostic doit être confirmée par des études de meilleure qualité et les taux de faux positif et d’examens complémentaires inappropriés doivent être estimés au regard des modalités de dépistage retenues ».
Dans ce contexte, la HAS considère « que l’état des connaissances est incomplet et insuffisamment robuste pour la mise en place d’un dépistage systématique et organisé du CBP en France ».
Elle préconise par contre de lancer un programme pilote pour documenter « les modalités, la performance, l’efficacité et l’efficience, les contraintes organisationnelles et les dimensions éthiques et sociales » d’un dépistage systématique à la française.
Les États-Unis et la Chine précurseurs
Au niveau international, les États-Unis et la Chine ont déjà franchi le pas et mis en place un dépistage ciblé de routine. D’autres pays comme l’Australie, le Royaume-Uni, ou le Canada ont lancé des expérimentations dans une perspective de mise en place d’un dépistage organisé ciblé.
En France, la question fait débat régulièrement. Si de nombreux pneumologues et radiologues militent depuis longtemps pour la mise en place d’un dépistage organisé, les autorités sanitaires étaient restées plutôt sur la réserve jusque-là. Mais le lancement de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, début 2021 a rebattu les cartes actant une volonté de faire avancer les choses.
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