Décision Santé. Vous militez désormais en faveur de la réintégration des soignants non-vaccinés. Pourquoi avez-vous changé d'avis ?
Bruno Megarbane : Je ne milite pas pour la réintégration des soignants non-vaccinés ; mais je pense que celle-ci est désormais possible et acceptable. Ce n'est pas ma position qui a changé, mais la situation épidémiologique. J'ai toujours soutenu la vaccination de l'ensemble des adultes et des adolescents contre la Covid, soit deux doses, plus un rappel qui permet de protéger la personne vaccinée contre les formes graves de la maladie. Cette vaccination a été lancée par le président de la République de façon plus large dans le pays et soutenue par les autorités de santé. En effet à cette époque, un personnel soignant qui refusait de se faire vacciner, pouvait véhiculer le Sars CoV-2 à des patients pas forcément encore vaccinés et affaiblis par leur pathologie. Ces derniers risquaient alors de développer une forme grave de la maladie. Non vaccinés, ces soignants s'exposaient eux-mêmes aussi aux risques d'être contaminés et de développer une forme grave de la maladie s'ils étaient porteurs d'une comorbidité ou s'ils avaient un certain âge. Car à l'hôpital et notamment dans certains services, la densité de circulation du Sars CoV-2 était alors très élevée. Evidemment j'ai soutenu pleinement l'obligation vaccinale des soignants et aussi le fait qu'un soignant qui n'accepte pas la vaccination et donc les règles à l'hôpital, ne puisse exercer auprès de patients fragiles et à risque.
DSS. Quelle est la nouvelle situation épidémiologique ?
B. M. D'abord nous avons une couverture vaccinale relativement bonne : environ 60 % de la population française et pas loin de 85% de la population adulte éligible a reçu le schéma vaccinal complet de 3 doses. Deuxièmement, l'immunité collective liée aussi à des infections naturelles est probablement extrêmement élevée. Certes, elle n'a pas été mesurée en France, mais la Corée du Sud a publié un taux de 95% de sujets porteurs d'anticorps contre la Covid. Ainsi, même des personnes non vaccinées ont acquis une certaine immunité à la suite d’une ou de plusieurs infections naturelles et bénéficient d'une certaine protection contre les formes graves de la maladie. Enfin, les variants qui circulent sont des sous-variants d'Omicron dont la virulence est plus réduite. Il faut aussi ajouter le fait que la vaccination ne réduit pas au-delà de trois mois le risque d'être contaminé et donc de contaminer d'autres personnes. Conséquence, il est possible désormais d’envisager une levée de cette obligation qui fut parfaitement justifiée à un moment et qui l'est un peu moins depuis. Même la HAS est sur cette voie, et donc le Gouvernement qui suivra probablement la décision de l'Agence. Dans son document de travail daté du 16 février 2023, la HAS propose, en effet, de lever l’obligation vaccinale contre la Covid-19, dans le contexte actuel, pour tous les professionnels visés par la loi du 5 août 2021, mais rappelle que cette vaccination devrait toutefois rester fortement recommandée. Il faut en effet, tourner la page de cette polémique sur les soignants non vaccinés et se préoccuper dorénavant de l'état de l'hôpital public qui a continué de s'aggraver et pour lequel aucune solution n'a été apportée. Enfin, comme le souligne la HAS, la levée de l’obligation qu’elle soutient également ne constitue en rien une remise en question de l'efficacité, de la pertinence et de la légitimité des précédentes recommandations au vu du contexte sanitaire différent de l’époque.
DSS. Comment considérez-vous le fait que ces personnels ne se soient pas vaccinés ?
B. M. Vis-à-vis du personnel non vacciné, je m'interroge. Ont-ils bien compris le principe de la vaccination ? Sont-ils vraiment convaincus par la science et les arguments scientifiques avancés et les preuves extrêmement importantes de l'efficacité de ce vaccin ? Enfin, j'émets des doutes quant à leur capacité à recommander des vaccins de manière générale et à faire de la prévention médicale.
DSS. Y aura-t-il des réticences des personnels vaccinés à accepter le retour des non-vaccinés ?
B. M. Je ne suis pas du tout convaincu qu'il y aura des réticences ou de l'opposition entre d'une part les personnels vaccinés qui l'ont été d'abord pour se protéger eux-mêmes et qui ont compris suite aux explications que c'était l'intérêt de leurs patients et d'autre part ces personnels qui ne l'ont pas été en raison de leurs croyances et qui réintègrent maintenant leurs postes.
DSS. Plaidez-vous aussi pour que les salaires qui ont été suspendus pendant cette période soient reversés aux soignants non vaccinés ?
B. M. Je ne me sens pas compétent, car cela relève de la réglementation du droit du travail. Mais les personnels qui ont choisi de ne pas se faire vacciner et de ne pas respecter la réglementation savaient les impacts financiers qui s'ensuivraient en cas de refus de respecter cette règle. Je ne suis pas favorable à ce que ces personnels soient rémunérés s'ils n'ont pas travaillé.
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation
Manger du poisson ralentit la progression de la sclérose en plaques